Aménagement des peines, outrages pas punis… entre la police et la justice, les rapports se tendent

Plusieurs événements ont ravivé ces derniers jours la défiance entre certains policiers et magistrats, les premiers soupçonnant les juges de ne pas être assez autoritaires.

VITI44PJNAWJMO3JVWTB2GVRHMLes policiers mais aussi les gendarmes reprocheraient aux magistrats une forme de mansuétude à l’égard de la délinquance ordinaire. LP/Olivier Boitet

Par Ronan Folgoas et Vincent Gautronneau
Le 31 août 2020 à 11h09

La tension et l’incompréhension réciproque n’ont peut-être jamais été aussi fortes entre policiers et gendarmes d’un côté et magistrats de l’autre. Epuisés de faire face au défi du maintien de l’ordre, les premiers reprocheraient aux seconds une forme de mansuétude à l’égard de la délinquance ordinaire. « La hausse des condamnations montre que la police fait son travail et que les enquêtes sont bonnes, estime Matthieu Valet, secrétaire national adjoint du syndicat indépendant des commissaires de police (SICP). Le problème, c’est que les peines prononcées sont très souvent plus faibles que ce que prévoit le Code pénal… »

« L’aménagement des peines est devenu la norme dans la culture judiciaire française et la prison ferme une exception, appuie Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance police. Ceci est à l’origine d’un sentiment d’impunité. » Un point de vue contesté par le Syndicat de la magistrature. « Les peines de longue durée sont en augmentation, rétorque son secrétaire national, Nils Monsarrat. Et ce ne sont pas les magistrats français mais bien la loi qui a créé des pratiques et des habitudes en matière d’aménagement de peine. »

De fait, les peines très courtes, inférieures à six mois, ne sont presque jamais exécutées. Celles inférieures à deux ans sont, elles, généralement abrégées ou réaménagées en placements sous surveillance électronique. « Il ne s’agit pas d’une preuve de laxisme, poursuit Nils Monsarrat. C’est une manière intelligente de préparer la réinsertion d’un détenu dans la société ».

« Il faudrait taper aux portefeuilles les petits délinquants »

Autre point de tension entre policiers et magistrats, les délits d’outrage, trop souvent impunis selon les premiers. « C’est un très mauvais signal envoyé à la population, regrette Frédéric Lagache. Si l’on peut insulter un policier sans être poursuivi, pourquoi ne le ferait-on pas avec d’autres personnes dépositaires de l’autorité publique? C’est ainsi que des maires aujourd’hui se retrouvent régulièrement agressés. »

« Il faudrait taper aux portefeuilles les petits délinquants qui s’en prennent verbalement aux policiers, ce serait un bon signal, abonde William Maury, fondateur du syndicat de police Option Nuit. Mais au lieu de ça, ce délit est rarement puni sous prétexte que les tribunaux sont engorgés, ce que je peux comprendre, ou que la parole d’un flic ne suffit plus, ce que je comprends beaucoup moins ».

Sur ce point précis, le fossé entre policiers et certains magistrats ne semble pas près d’être comblé. « La question ne fait pas consensus au sein de la magistrature mais nous pensons que ce délit d’outrage devrait être supprimé, ose Nils Monsarrat, au nom du syndicat de la magistrature. Les procédures sont souvent fragiles et nous constatons que ce délit a pour effet pervers de crisper les relations entre les policiers et la population. Il entraîne des rébellions et des violences ».

Source : Le Parisien

Répondre à Entre la police et la justice, les rapports se tendent Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *