Affaire Alexia Daval : « Plus on avance, moins on y voit clair »

Avocat des parents d’Alexia Daval, Me  Florand s’est confié à L’Est Républicain. Selon lui, il est « urgent » que Jonathann Daval puisse être réentendu car «en l’état, le dossier pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses ».

DavalJonathann Daval a avoué fin janvier avoir étranglé son épouse, Alexia. Mis en examen pour « meurtre sur conjoint » et placé en détention provisoire, il pourrait être réentendu par le juge d’instruction dans les prochaines semaines. Archives AFP

« Trois mois se sont écoulés depuis l’arrestation de Jonathann Daval et nous n’avons aucune certitude absolue. Je dirais même que les choses se délitent. » Ce n’est pas l’avocat du mis en examen qui parle mais la partie civile. Conseil des parents et de la sœur d’Alexia Daval, Me  Jean-Marc Florand se dit « de plus en plus perplexe » face à un dossier qui, s’il contient de nombreux éléments matériels, manque, selon lui, de « l’essentiel ». « C’est un peu une valise à double fond, métaphorise-t-il. Le juge d’instruction, comme les enquêteurs avant lui multiplient les expertises et on ne peut rien reprocher à la justice. Mais j’ai l’impression que nous sommes un peu dans la situation d’un antiquaire qui serait parvenu à chiner vingt sucriers et vingt couvercles sans être, pour autant, en mesure de les emboîter », évoque-t-il.

« Il manque le principal : la chronologie des faits, le mode opératoire, le mobile… »

« Que savons-nous ? Qu’Alexia a été frappée violemment puis étranglée, qu’elle en est morte, que le corps a été enroulé dans un drap appartenant au couple, puis transporté dans le véhicule de fonction de son mari, doté d’un tracker GPS, avant d’être en partie brûlé et abandonné en lisière de forêt, à Gray », résume l’avocat.

Ce qui, tout de même, n’est pas rien ! « Bien sûr, admet-il. Mais il manque le principal : le récit de cette nuit du 27 au 28 octobre 2017 où tout a basculé ; sa chronologie ; le mobile ; le pourquoi du comment ; l’avant et l’après… Bref, des faits précis », énumère Me  Florand. « J’entends que M. Daval s’est accusé de la mort de sa femme, quelques minutes avant la fin de sa garde à vue (le 30 janvier dernier) puis, à nouveau, dans le bureau du juge d’instruction (le 9 mars). Mais que nous dit-il ? Qu’une crise a éclaté en rentrant d’une soirée raclette en famille, qu’il a voulu calmer son épouse et la maintenir, qu’elle en est morte et qu’il est responsable. Mais responsable de quoi ? On n’en sait rien. Rien sur le mode opératoire, la strangulation, la crémation (qu’il nie) ». Pour Me  Florand, « le dossier pose, en l’état, plus de questions qu’il n’apporte de réponses ». « On est loin de la vérité objective, vu la faiblesse des aveux. M. Daval s’est exprimé mais sa voix porte peu. Il est passé à table mais c’était pour ne rien dire, ou presque. Rien pour confronter ses aveux aux nombreux indices matériels collectés par les enquêteurs. Pas de preuve formelle le mettant en cause. »

Bref, Me  Florand « ne se satisfait pas de tout cela et [ses] clients non plus ». « On est suspendus aux lèvres de Jonathann Daval. Loin d’éclairer les zones d’ombre du dossier, celui-ci paraît plus mystérieux au fur et à mesure que le temps passe », soupire-t-il.

« Je m’attends à tout »

Cet avocat chevronné qui, dans une autre vie, fit acquitter Patrick Dils de prison, après quinze ans de prison et deux procès en révision, a prévenu ses clients : il « n’exclut rien ». Complicité, revirements, coup de théâtre : il s’« attend à tout » et « reste sur [sa] faim ». « Je suis comme saint Thomas, je crois ce que je vois. Or, les déclarations du mis en cause sont à des années-lumière des constatations du légiste. Plus on avance dans ce dossier, moins on y voit clair », constate-t-il. « Pour le moins, Jonathann connaît la vérité. Il a sans doute assisté au crime, il n’est pas invraisemblable qu’il y ait participé et peut-être était-il seul en cause. Mais rien n’est certain ». Un complice ? Un deuxième homme ? « Je ne l’exclus pas », répète-t-il.

A ce stade de l’entretien, la question se pose : est-il convaincu de la culpabilité de Jonathann ? « Pas à 100 %, il n’y a pas assez de preuve pour en être certain. À dire vrai, tout ça me paraît un peu court. » C’est pourquoi il attend « avec impatience » que le mis en examen puisse être, à nouveau, entendu par son juge. De même attend-il beaucoup des expertises psychiatriques et psychologiques.

« Sans plus d’aveux, le dossier va s’enkyster »

Selon nos informations, Jonathann Daval, toujours suivi au service médico-psychiatrique régional (SMPR) de la maison d’arrêt de Dijon, où il est en détention provisoire depuis le 30 janvier, irait un peu moins mal. Sauf rechute, il devrait être réentendu dans les prochaines semaines. « Il le faut », martèle Me  Florand. « Si avant l’été, on n’a pas progressé sur ses aveux, le dossier va s’enkyster et on n’en tirera plus rien jusqu’aux assises », prédit ce pénaliste aguerri. « Or, il est toujours dangereux d’aller devant les jurés avec un dossier à moitié vide », prévient-t-il. « Ce que je cherche, pour la justice et pour mes clients, c’est la vérité vraie. Et pour ça, il faut des preuves solides. Des aveux qui tiennent debout. Pour l’instant, on n’a ni l’un ni l’autre et je m’en inquiète. »

Source : L’Est Républicain

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