À Bure, sous insupportable pression policière, les gendarmes ont perquisitionné

 

À Bure, sous insupportable pression policière, les gendarmes ont perquisitionné

Ce mercredi 20 septembre, la gendarmerie a perquisitionné plusieurs lieux à Bure (Meuse) et dans ses environs habités par des opposants au projet de poubelle nucléaire. Pour plusieurs habitants, cette opération est le « point d’orgue d’une pression policière diffuse et permanente ». Témoignages. Des rassemblements de soutien sont organisés dans toute la France.

La Maison de résistance à la poubelle nucléaire, à Bure (Meuse), lieu de rencontre et de réunion pour les opposants au projet Cigéo, a été perquisitionnée pour la première fois ce mercredi 20 septembre, de 6 h à 15 h environ. Achetée en 2005 par des antinucléaires de France et d’Allemagne regroupés au sein de l’association Bure Zone Libre (BZL), cette ancienne ferme accueille aujourd’hui des militants de tous horizons, de manière ponctuelle ou plus permanente. « Perquisitionner la Maison de résistance, c’est très symbolique : ils ont sorti le grand jeu », note Joël, habitant de Mandres et opposant au projet de poubelle nucléaire.

Pendant près de dix heures, les gendarmes ont ainsi fouillé toutes les pièces de la bâtisse, et saisi de très nombreux objets. « Ils n’avaient pas assez de pochettes pour la mise sous scellés, ils ont dû en faire venir d’autres, raconte Joël. Et ils sont venus avec l’équivalent d’un camion de déménagement, comme pour vider la Maison. »

C’est aux environs de 6 h 20 du matin que les gendarmes ont commencé les perquisitions de la Maison de résistance, à Bure, et le terrain de la gare de Luméville, ainsi qu’un domicile situé à Commercy. Ils se sont également rendus dans un appartement de Mandres-en-Barrois, et près de Verdun. Ces lieux sont habités par des personnes opposées à l’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. Porté par l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), ce projet a été baptisé Cigéo, pour centre industriel de stockage géologique.

Les forces de l’ordre ont justifié leur entrée à la Maison de résistance par la commission rogatoire d’un juge d’instruction, dans le cadre de l’enquête relative à l’action menée contre l’hôtel-restaurant du laboratoire de l’Andra en juin dernier. D’après le site VMC.Camp, alimenté par des militants sur place, « les gendarmes étaient une quarantaine et leur intrusion s’est faite de façon violente : équipés d’un pied-de-biche, ils ont cassé la porte d’entrée et, semble-t-il, également des vitres de caravane ».

À la gare, une quinzaine de gendarmes étaient en action, accompagnés du procureur et de chiens antidrogue. Ils sont entrés avec un ordre de la commission rogatoire pour les stupéfiants. À Commercy, ils sont arrivés également vers 6 h et ont saisi un ordinateur, un disque dur et un téléphone portable. Pendant ce temps, des barrages et des contrôles étaient mis en place à Ribeaucourt et à Mandres.

« Les gens ici sont épuisés, ils ont peur »

Selon le procureur de Bar-le-Duc, Olivier Glady, interrogé par l’AFP (Agence France presse), les gendarmes ont saisi des casques, masques à gaz et artifices, 140 g de résine de cannabis « conditionnée », 10 plants de cannabis, ainsi que du matériel informatique et téléphonique. Les forces de l’ordre ont agi dans le cadre de trois enquêtes différentes :
. à la Maison de résistance, indique le site de lutte contre l’enfouissement des déchets nucléaires, les gendarmes « ont justifié leur entrée par la commission rogatoire d’un juge d’instruction du TGI de Bar-le-Duc, relativement à une action sur l’hôtel-restaurant du laboratoire de l’Andra en juin dernier ».
. une enquête se poursuit à la suite des affrontements ayant éclaté entre les militants antinucléaires et les gendarmes en marge d’une manifestation le 15 août, selon M. Glady ;
. certaines perquisitions s’inscrivent dans le cadre d’une enquête sur des faits d’« infraction à la législation sur les stupéfiants », a-t-il précisé.

Pour le réseau Sortir du nucléaire, « cette perquisition fait suite à plusieurs mois de harcèlement policier permanent dans les villages autour de Bure, avec des rondes incessantes de véhicules de gendarmerie et d’hélicoptères et des contrôles d’identité plusieurs fois par jour visant aussi bien des militants que des agriculteurs ». Dans un communiqué, le réseau dénonce « ces méthodes inacceptables et cette escalade dans la stratégie de la tension » : « Il est honteux que l’État s’acharne sur les opposants plutôt que d’abandonner ce projet dangereux et imposé, qui met en danger les générations futures et actuelles. » Il appelle à des rassemblements de soutien devant les préfectures (voir plus bas la liste des rassemblements).

Près de la Maison de résistance de Bure, mercredi 20 septembre.

D’après un habitant de Mandres, opposant au projet Cigéo joint par Reporterre, « c’est la première fois qu’on voit une opération d’une telle ampleur à Bure ». Pour lui, c’est le « point d’orgue d’une pression policière diffuse et permanente » : « Les gendarmes circulent quotidiennement dans les rues des villages, filment, menacent, contrôlent de manière intempestive… ils font monter la tension pour décourager, faire peur ou pousser au débordement, mais tout ce qu’ils vont gagner, c’est un regain de la mobilisation ! »

Joint également par Reporterre, Michel Labat, habitant de Mandres, se dit révolté : « C’est incroyable, autant de flics partout. Aujourd’hui, il n’y a plus d’opposition : dès qu’on fait quelque chose, on nous envoie les gendarmes. Et puis, ils nous insultent régulièrement, nous menacent, c’est un tel manque de respect. Les gens ici sont épuisés, ils ont peur. »

Pour Jean-François Bodenreider, habitant à Bonnet et président de l’association les Habitants vigilants de Gondrecourt, « ces perquisitions sont un moyen de déstabiliser la lutte, de focaliser sur autre chose. Alors que nous pointons les dangers de Cigéo, eux mènent des opérations disciplinaires, présentent les opposants comme des drogués ou des criminels, pour que l’on ne parle pas du fond des problèmes. Ils ne savent pas quoi dire ni comment se défendre sur le nucléaire, donc ils parlent d’autre chose. »

« Ils nous poussent à bout pour qu’on commette des actes irréparables »

Ce kiné, établi à Gondrecourt depuis 25 ans, a vécu dimanche 17 septembre, une de ces nombreuses provocations policières. Il était dans son jardin quand un 4×4 noir s’est garé devant sa maison. « Je me suis approché, le passager avant avait sorti son téléphone pour prendre des photos, raconte-t-il. Il m’a dit qu’il était à la recherche de maisons dans le coin pour acheter. Je lui ai demandé de partir, car notre maison n’est pas à vendre, et le ton a commencé à monter. Tout à coup, un des passagers arrière s’est exclamé : démarre, il a un marteau ! » Le fils de M. Bodenreider, Léonard, étudiant en médecine, qui rangeait des affaires de camping dans le garage familial, a — « par peur pour son père et sous le coup de la colère » — envoyé un marteau en caoutchouc vers le véhicule.

Quelques instants plus tard, la famille, choquée, a vu débarquer les passagers du 4×4, qui se sont révélés être des gendarmes mobiles. Ces derniers ont menotté et emmené Léonard. Les époux se sont ensuite rendus au poste de police à Gondrecourt, où ils ont patienté avant d’être entendus comme témoins. « Les gendarmes mobiles parlaient de tentative d’homicide involontaire, mais les gendarmes locaux, qui nous connaissent et ne cherchent pas l’escalade, ont finalement poussé pour que notre fils soit libéré le soir même », explique Jean-François Bodenreider. Léonard ne sera finalement que convoqué au tribunal pour atteinte aux biens, le marteau ayant légèrement rayé la voiture.

« Après coup, je me dis que si j’ai réagi comme ça, c’est que j’étais à cran, analyse le kiné. Je ne vis pas forcément les pressions au quotidien, pas comme les habitants de Mandres, qui sont contrôlés jusqu’à huit fois par jour, mais cette tension entretenue par les gendarmes mobiles nous atteint tous ». Lui, qui se qualifie comme un « modéré » dans la lutte, en est aujourd’hui certain : « Ils nous poussent à bout pour qu’on commette des actes irréparables. »

« Une fois qu’on a été identifié comme opposant, on fait l’objet d’une présomption de culpabilité »

Joël, l’opposant au projet Cigéo, a quant à lui revécu ce mercredi matin le triste film de son assignation à résidence lors de la COP21. « Une dizaine de gendarmes ont sonné chez l’ami qui me logeait, à Commercy, à 6 h du matin, témoigne-t-il. Ils ont tout fouillé pendant une heure, l’un d’eux avait un taser à la main, et sont repartis avec des tracts, mon ordinateur et mon téléphone. » Question bonus, posée par les forces de l’ordre avant de partir : « Est-ce que vous avez par ailleurs quelque chose à déclarer à propos de Bure ? »

Comme dans les autres lieux perquisitionnés — dont l’appartement de Joël à Mandres —, les gendarmes ont indiqué qu’ils agissaient dans le cadre de l’enquête sur le saccage de l’hôtel-restaurant du laboratoire de l’Andra en juin dernier. Sauf que Joël était en vacances en Grèce à ce moment-là : « Une fois qu’on a été identifié comme opposant, pour ma part depuis la COP21, on fait l’objet d’une présomption de culpabilité », s’indigne-t-il.

Pour Joël, c’est la preuve que l’opération de ce mercredi ne visait pas uniquement à déterminer les responsabilités dans l’action menée cet été : « Ils créent une tension permanente, pour faire craquer les gens », observe-t-il.


DES RASSEMBLEMENTS DE SOUTIEN EN FRANCE CE MERCREDI

Soutien depuis la Zad du Moulin, en lutte contre le « Grand contournement ouest » de Strasbourg.
  • Rassemblement de soutien organisé à Paris à 18h, appel à rassemblement au marché aux fleurs, métro Cité, à 18h. En solidarité également avec les camarades en procès de la voiture brûlée.
  • Rassemblement de soutien organisé devant la Préfecture de Bar-le-Duc à 17h30
  • Rassemblement à Nantes, rdv 18h à Commerce dans le cadre du Front social.
  • Rassemblement à Grenoble, 17h30, au pied de la tour Perret, parc Paul Mistral, par le comité local de soutien contre les GPII. Assorti de ce message « Bon courage à vous, plein d’amour. Nik la BAC ».
  • Rassemblement à Nancy place Stanislas à 18h.
  • Rassemblement à Angers, 18h, devant la Préfecture d’Angers.
  • Rassemblement à Épinal, 18h, devant la Préfecture.
  • Rassemblement à Colmar, 18h, devant la Préfecture, Champ-de-Mars.
  • Rassemblement à Dijon, 18h, devant la Préfecture. Événement ici.
  • Rassemblement en cours d’organisation en Alsace, on vous tient au courant dès que possible.
  • Rassemblement en cours d’organisation à Reims, idem.
  • Une conférence de presse commune du mouvement de résistance se tiendra jeudi 21 septembre à 11h à la Maison de résistance à la poubelle nucléaire, à Bure.

Source : Reporterre

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