135 € d’amende pour une coloration cheveux ou pot de peinture : ce qu’on peut acheter pendant le confinement… ou pas ( Voir : Notes en fin d’article )

maxppp_alexis_sciard-4769730Les policiers contrôlent les attestations dérogatoires dans le cadre du confinement lié au coronavirus. (Photo d’illustration) / © Alexis Sciard/IP3 PRESS/MAXPPP

Plusieurs contraventions ont été dressées en Centre-Val de Loire depuis le début du confinement pour des achats qui n’étaient pas considérés de première nécessité par la police ou la gendarmerie. Pourtant, les magasins où ces achats ont été réalisés restent ouverts. Que peut-on donc acheter ?

A Chartres, une amende de 135 € pour avoir acheté de la coloration pour les cheveux. Dans le journal national de France 3, une femme se fait réprimander par un gendarme alors qu’elle est allée chercher des bouteilles de soda.

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Les supermarchés font partie des commerces autorisés à rester ouverts pendant le confinement, ainsi que les magasins de bricolage ou les jardineries. Pourtant, des clients se font verbaliser pour avoir acheté un pot de peinture. Bref, quelle est la logique ? Qu’a-t-on le droit d’acheter sans risquer de prendre une amende ?

Pas de liste officielle

« On n’a pas de liste de produits autorisés ou interdits », prévient la gendarmerie d’Eure-et-Loir. « C’est vraiment au cas par cas en fonction de la situation ». La première règle, c’est de « faire ses courses dans les commerces les plus proches de son domicile, et on doit acheter des produits indispensables, notamment tout ce qui touche à l’alimentaire« .

Vous pouvez donc acheter n’importe quelle denrée alimentaire sans problème, ainsi que des médicaments et des produits d’hygiène indispensables. La difficulté concerne… le reste. Les lieux autorisés à rester ouverts sont en effet assez nombreux (liste consultable ici, dans la partie Mesures prises par le gouvernement / les établissements fermés) :

  • pharmacies
  • stations-services
  • banques
  • bureaux de tabac
  • points de distribution de la presse
  • services publics (dont ceux assurant les services de transport)
  • services de livraison de repas à domicile
  • restaurants et débits de boissons uniquement en ventes à emporter et en livraison
  • hôtels (restaurants et bars d’hôtels fermés)

On ne peut pas tout acheter

« Mais les centres commerciaux ouverts peuvent proposer des produits de jardinage, de bricolage« , reconnaît la gendarmerie, « ce qui peut donc laisser penser aux consommateurs qu’ils peuvent tout acheter« .

La directive qui est donnée aux forces de l’ordre est donc « de faire preuve de discernement et de bienveillance, et d’analyser la situation pour arriver à déceler si la personne triche ou pas. »

Même réponse du côté de la police nationale : « Mettons que j’ai besoin d’acheter un boulon. Est-ce que c’est de première nécessité ? Non, de prime abord. Maintenant si c’est le boulon qui doit remplacer celui qui a cassé sur la conduite de gaz, ça devient un produit de première nécessité. »

Drive et gestes barrières ne suffisent pas

C’est d’ailleurs pour cette raison que les jardineries ont rouvert : afin de permettre à ceux qui se nourrissent des légumes de leur potager de pouvoir acheter des semences alimentaires.

Donc si vous vous rendez dans une jardinerie, vous pouvez sans problème acheter des plants à visée alimentaire. Par contre si vous ressortez avec des plantes ornementales, attention à la douloureuse !

Quant à ceux qui iraient par exemple au drive d’un magasin de bricolage, en suivant tous les gestes barrière préconisées, c’est avant tout le produit qui compte pour les forces de l’ordre. « Dans le contexte actuel, si quelqu’un se fait contrôler uniquement avec du parquet flottant ou de la peinture, il risque de se faire verbaliser car on va estimer qu’il est en dehors des clous sur les conditions dérogatoires de déplacement« , explique la gendarmerie d’Eure-et-Loir.

Des écueils et abus

Or, sur les réseaux sociaux par exemple, certaines femmes se plaignent d’avoir eu une amende par la police pour avoir acheté des serviettes hygiéniques.

Capture d’écran 2020-04-22 à 00.23.29Tous reconnaissent en effet que ce n’est pas une science exacte, et que des contrôles se sont mal passés car les agents avaient mal évalué la situation : « c’est avant tout de l’humain« .

« Toute la difficulté, c’est la faculté que vont avoir nos collègues à apprécier et prendre la bonne décision« , résume la police nationale.

Mais ont-ils vraiment le droit ?

Mais d’après l’Observatoire parisien des libertés publiques, la police et la gendarmerie n’ont tout simplement pas à prendre de décision.

Sur un « point droit » publié sur le site internet de la Ligue des droits de l’Homme, il est indiqué que si les forces de l’ordre vous demandent d’ouvrir votre sac, vous pouvez vous y opposer. « Mais le problème vient qu’actuellement, le rapport de force prévaut et les policiers risquent de vous emmener en garde à vue« .

L’Observatoire parisien des libertés publiques affirme même que la contravention peut être contestée : « le décret décide des établissements qui doivent rester fermés et ceux qui restent ouverts ; dès lors, un policier n’a pas à décider de ce que vous pouvez acheter dans ces commerces ou non. »

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Sauf que dans la réalité, la situation est parfois plus compliquée pour un citoyen lambda, face à des forces de l’ordre dépositaires de l’autorité publique. Si vous pensez respecter la loi, vous ne devez pas payer l’amende et déposer un recours (voir l’encadré ci-dessous).

« Ne pas sortir 3 fois pour de l’alimentaire »

Du côté de la police nationale, on met en avant le but sanitaire : »On n’est pas là pour embêter les gens avec les contrôles, on est là pour les protéger, quand on fait ça on les protège, y compris d’eux-mêmes. C’est compliqué pour tout le monde, le fait d’être confiné. »

Gendarmes et policiers en appellent donc au civisme et à la responsabilité des citoyens et consommateurs, en sortant un minimum, même pour acheter des denrées alimentaires.

« Si quelqu’un sort trois fois dans la journée pour acheter sa baguette, puis sa tranche de jambon, puis son tube de dentifrice, on n’est plus dans les clous, on n’est pas dans l’esprit de l’attestation. »

Enfin, si vous faites lors d’une même sortie des achats de première nécessité et non vitaux, vous ne risquez pas d’être verbalisé.

Comment contester une amende ?

Si vous considérez que vous n’auriez pas dû être verbalisé et que votre achat rentrait dans les produits de première nécessité, vous pouvez contester l’amende en déposant un recours.

Règle n°1, rappelle ce site d’un cabinet d’avocats : vous ne devez pas payer l’amende immédiatement, car tout paiement vaut reconnaissance de l’infraction.

Une fois l’avis de contravention reçu, vous avez 90 jours à compter de la date figurant sur l’avis pour contester une amende forfaitaire, au lieu de 45 jours en temps normal (le délai a été allongé pour toutes les amendes émises à partir du 12 mars 2020, dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus). Pour une amende forfaitaire majorée, le délai de contestation est passé de 30 à 60 jours.

Vous pouvez envoyer un courrier en recommandé avec avis de réception à l’adresse figurant sur l’avis de contravention. Mais la distribution des plis et colis étant réduite actuellement, il est conseillé de faire la contestation en ligne sur le site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Elle gère notamment les infractions routières, donc ne vous étonnez pas de voir des questions de véhicules mentionnées sur le site.

Vous devez joindre toutes les pièces qui permettront de justifier la légalité de votre sortie dans le respect des règles du confinement : attestation dérogatoire de déplacement, ticket de caisse, ordonnance, témoignage écrit d’une personne que vous aidiez… Conservez une copie de tous les documents envoyés.

Après étude de ces pièces et de votre dossier, soit on peut vous donner raison et l’amende sera annulée ; soit l’infraction peut être confirmée et votre amende sera majorée, de 375 € jusqu’à 750 €.

Source : France TV Infobandeau-Asso-APG-1024x91 ResizedNote de la rédaction de Profession-Gendarme :

Le principe de légalité des délits et des peines : l’article 111-3 du Code pénal

L’article 111-3 du Code pénal, placé dans le chapitre Ier (intitulé Des principes généraux) du titre Ier (intitulé De la loi pénale) du livre Ier (intitulé Dispositions générales), énonce que « Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention ». Cet article fixe donc dans la loi le principe de légalité des délits et des peines.

Qu’est-ce que le principe de légalité des délits et des peines posé par l’article 111-3 du Code pénal ?

Ce principe se décompose en deux parties assez facilement identifiables :

– Le principe de légalité des délits qui prévoit qu’il ne peut y avoir d’infraction sans texte.
– Le principe de légalité des peines qui prévoit qu’il ne peut y avoir de peine sans loi.

Concernant le principe de légalité des délits et des peines qui ressort de l’article 111-3 du Code pénal, trois éléments sont intéressants à développer :

– La justification de ce principe.
– La valeur de ce principe.
– La portée de ce principe.

La justification du principe de légalité

Le principe de légalité au sens large, que ce soit la légalité des délits ou la légalité des peines, trouve son fondement dans la protection de l’individu et de la société. En effet, ce principe est considéré comme un mécanisme de sauvegarde des libertés individuelles puisqu’il garantit que la justice n’agira pas par traîtrise. Aussi, il n’est pas possible de poursuivre un individu pour un comportement qui, au moment où il a été accompli, était parfaitement licite.

Par conséquent, l’article 111-3 du Code pénal constitue une garantie essentielle aux libertés individuelles puisqu’il impose au législateur d’avertir avant de sanctionner. En effet, celui-ci a l’obligation de fixer par avance les limites que ne doivent pas dépasser les citoyens. Cet article permet également de soustraire le citoyen, dans une large mesure, à l’arbitraire du juge puisque les infractions comme les peines susceptibles d’être prononcées relèvent d’un texte préalablement établi par le législateur.

Ce principe de légalité a une telle importance que cela se reflète sur sa valeur juridique.

La valeur du principe de légalité

Le principe de légalité était déjà en germe dans certains droits antiques, mais c’est essentiellement à l’issue de la Révolution française qu’il s’affirme en France. En effet, on peut le retrouver dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 notamment au sein des articles 5, 7 et 8 de celle-ci. Par la suite, le principe de légalité va trouver une traduction légale dans l’article 4 du Code pénal de 1810 avant d’être reproduit à l’article 111-3 du Code pénal actuel.

Au-delà du droit interne, le principe de légalité est également rappelé dans quelques textes internationaux qui ont été ratifiés par la France. C’est donc un principe qui a une valeur internationale puisque celui-ci se retrouve dans tous les textes protecteurs des droits de l’homme, par exemple la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (dans son article 7), le pacte de l’ONU sur les droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (dans son article 15) ou encore à l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de décembre 2000 qui, depuis décembre 2009, a la même valeur juridique que les traités eux-mêmes.

On constate donc que le principe de légalité, outre sa valeur législative, a également une valeur constitutionnelle et internationale. Par conséquent, ce principe s’impose donc autant au législateur qu’au juge lui-même.

La portée du principe de légalité

La signification originelle du principe de légalité des délits et des peines n’est plus totalement la même aujourd’hui qu’à l’issue de la Révolution française. En effet, pour les révolutionnaires seule la loi, au sens formel, pouvait intervenir en matière pénale parce que la loi était considérée comme l’expression de la volonté générale et était donc la norme juridique qui avait la plus forte légitimité démocratique. Pour les révolutionnaires, tout découlait de la loi et rien ne pouvait venir du juge, de la coutume ou encore de l’exécutif. La matière pénale était donc du monopole de la loi.

Le principe de légalité des délits et des peines a bien évolué de la conception qu’en avaient les révolutionnaires. En effet, la loi n’a plus aujourd’hui le monopole du droit pénal. Elle est concurrencée tant par le haut (conventions, constitution) que par le bas (règlements). La loi peut également, aujourd’hui, être contrôlée avant sa promulgation et après son entrée en vigueur puisque, désormais, il est admis que la loi n’est pas toujours parfaite, qu’elle peut manquer de clarté, de précision, de prévisibilité, d’accessibilité ou encore d’intelligibilité. Tous ces défauts sont autant d’éléments qui expliquent le déclin de la loi et l’avènement corrélatif du juge.

Concernant le volet « détermination des délits », le principe de légalité des délits n’a plus, aujourd’hui, la force d’antan puisque, aujourd’hui, le législateur abandonne au juge des pouvoirs de plus en plus étendus. À cet égard, et comme nous venons de le dire, cette abdication au profit du juge tient parfois à la mauvaise qualité des textes répressifs.

Concernant son deuxième volet : « la détermination des peines », le principe de légalité des peines est également battu en brèche puisqu’en matière de détermination des peines le juge a également de plus en plus de pouvoirs. En effet, l’importance qui est accordée au principe d’individualisation des peines tend aujourd’hui à rétablir un certain arbitraire judiciaire. Le plus souvent, le législateur se borne à fixer la peine à ne pas dépasser, le juge étant alors libre d’abaisser la peine, voire d’en dispenser le coupable. Cette liberté retrouvée du juge ne s’arrête d’ailleurs pas au jour du prononcé de la peine, elle se prolonge au stade de son exécution. Que reste-t-il donc du principe de légalité des peines lorsqu’au fil des années l’écart ne cesse de se creuser entre la peine légalement encourue, la peine prononcée et la peine exécutée ?

Sources : Article 111-3 du Code pénal, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, Convention européenne des droits de l’homme, Précis de droit pénal et de procédure pénale – François Falletti et Frédéric Debove

Source : Doc du juriste.com

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