Lettre du Capitaine Hervé Moreau (extraits de ses deux livres)

Mesdames, messieurs

J’ai écrit et publié deux ouvrages. Le premier en octobre 2020 intitulé « Vérités d’un capitaine de gendarmerie » qui raconte 4 années de commandement d’une compagnie de gendarmerie départementale. Il raconte au grand public ce qui n’a jamais été décrit, à savoir les mérites, joies, souffrances et vicissitudes des gendarmes de terrain. Il raconte ce métier extraordinaire, fait de dévouement aux autres et à l’intérêt général pour que nous puissions évoluer dans une société plus harmonieuse ou en tout cas moins conflictuelle et moins violente. Il raconte aussi les insuffisances de notre justice, l’écœurement des gendarmes de terrain qui ont souvent la certitude de travailler pour rien. Il raconte enfin l’attitude de certains officiers et généraux qui ne respectent pas ceux qui servent sous leurs ordres alors que les démissions prématurées sont si nombreuses et que les suicides de nos frères et sœurs d’arme demeurent dramatiquement élevés. C’est un livre qui porte l’espoir et qui a constitué une délivrance pour de nombreux gendarmes et gradés et une révélation pour le grand public. C’est un livre enfin très constructif qui propose de nombreuses solutions pour que les choses aillent mieux.

La suite de l’histoire a été publiée en novembre 2022 et elle est intitulée « Candidat libre, révélations d’un homme d’honneur en politique ». Elle décrit en première partie comment un livre édité à compte d’auteur devient un bestseller et le formidable ambassadeur de la campagne d’un ancien capitaine de gendarmerie, désireux d’entrer dans l’arène politique au titre d’une élection nationale. Il raconte la campagne politique d’un homme d’honneur, lucide et déterminé, portant l’intérêt général de toutes ses forces, désireux de rejoindre l’assemblée nationale pour pouvoir agir sur les causes et plus seulement sur les conséquences.

Je porte à votre connaissance ces extraits de mon premier livre « Vérités d’un Capitaine de Gendarmerie » :

Chapitre II – Le loup blanc, p 33 et 34 :

Quelques jours plus tard, j’emménageais à Beaune, et le mardi 15 septembre 2015 à huit heures, après neuf longues années d’attente, je retrouvais le fil de mon existence. Je commençais le premier jour du reste de ma vie. Je servais au sein d’une compagnie de gendarmerie départementale, là où j’aurais toujours dû être, là où je pouvais au mieux servir la France. J’eus, en ce jour magnifique, au goût de revanche, une pensée fugace pour tous les galonnés et étoilés que j’avais eu à subir, pour tous les carriéristes partisans d’un immobilisme prudent et dépassé, pour tous les envieux dénués de charisme et de personnalité que j’avais indisposés depuis mon entrée au sein de la gendarmerie nationale. Je les indisposais du fait de mon goût pour le dépassement et pour le changement, pour ma culture du résultat au service des autres, mais aussi du fait de mes qualités intrinsèques. Je les indisposais du fait de ma personnalité franche et entière, laquelle détonait dans ce milieu si hypocrite. Je les surprenais aussi du fait de ma préoccupation première consistant à toujours faire preuve de courage. Je cherchais à élever les hommes et à servir au mieux. Et je demeurerai toujours ainsi, quoi qu’il puisse m’en coûter en terme d’oppositions, de freins, de résistances, de calomnies, de coups bas et de traîtrises. Seuls importaient la France, comme depuis toujours, mais aussi et à présent les justiciables que je m’attacherai à servir, à mes fonctions nouvelles, du mieux qu’il me serait possible.

Tous ces officiers que j’avais eu à subir, avant qu’enfin la roue ne tourne, me firent, en cette année si particulière, penser à d’autres qui, très exactement un siècle plus tôt, en 1915, envoyèrent notre jeunesse à la mort du fait d’offensives folles, dénuées de sens. La chair contre le fer. La vie de la jeunesse de France fauchée par les obus et par les balles des mitrailleuses allemandes. Ces Généraux qui, pendant la grande guerre, bien à l’abri des lignes arrières, tentaient de pallier leur médiocrité et leur incompétence par l’importance des pertes. Je garderai toujours en mémoire les mots du Général prussien Ludendorff à la bataille d’Aubers en 1915 : « Des lions, ces Français se battent comme des lions mais sont commandés par des ânes ». D’autres temps, d’autres mœurs, moins sanguinaires certes, mais souvent le même genre d’incapables et d’irresponsables, galonnés ou étoilés, aux fonctions de direction et de commandement. Le propre d’une administration de technocrates, d’une fonction publique pléthorique qui pour une bonne part a oublié qu’elle n’existe pas pour elle-même mais pour servir les autres. Cela est sa seule raison d’être.

Chapitre VI – La vie en caserne, p 119-121 :

Le temps n’était pas si lointain où les unités allaient se prostituer auprès des mairies pour récupérer du papier ou des cartouches d’encre. Les grandes grèves et manifestations de 1989 et de décembre 2001, ayant prévalu au sein de la gendarmerie nationale, avaient été notamment initiées du fait du manque dramatique de moyens qui prévalait à ces différentes époques. Les gendarmes n’en pouvaient plus et à juste titre. Aujourd’hui, les choses vont mieux mais demeurent clairement toujours insatisfaisantes. C’est une réalité incontestable et j’en atteste. Les forces de sécurité ne disposent toujours pas des moyens qui sont nécessaires à la bonne exécution de leurs missions. Il y a toujours de l’argent pour les « cas sociaux » mais pas pour les forces de sécurité intérieures, gendarmes ou policiers, ou alors si peu. C’est ce que nous nous disons tous, mais je suis le seul à le hurler. Pourquoi alors ? Pourquoi les généraux de la gendarmerie ou les grands directeurs et commissaires généraux de la police ne parviennent-ils pas à être audibles ? Comme le disait l’Empereur : « un homme qui n’a pas de considération pour les besoins du soldat ne devrait jamais les commander ». Quand on a deux étoiles on veut la troisième, quand on en a trois, on veut la quatrième et ainsi de suite. Carriéristes. Pas de vagues, tout va bien. Qu’il n’arrive rien. Se soumettre et surtout ne pas déplaire ! Ils passent leurs existences professionnelles, pour la plupart, à ramper et à la fermer. Obéir, ne pas déplaire à la hiérarchie, ne pas déplaire au ministre, tout faire pour ne pas indisposer alors que cent mille gendarmes et cent quarante mille policiers n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail. Et cela du fait de la soumission et du manque de courage de l’essentiel des étoilés de la gendarmerie ou de la police. Cela demeure la stricte réalité nonobstant leurs dénégations serviles et leurs postures choquées et scandalisées à la lecture de ces lignes.

Enfin, je me remémorais surtout, en ces circonstances, mon oral du concours d’accès au corps des officiers de la gendarmerie nationale pour les officiers issus des armées. C’était en février 2002. J’étais alors un jeune Capitaine de l’armée de Terre qui venait de rendre le commandement de sa compagnie et qui ne rêvait que de rejoindre cette prestigieuse institution. C’était déjà cependant mon troisième et dernier concours. J’avais déjà échoué deux fois. Toujours parmi les premiers à l’écrit et toujours une note éliminatoire à l’oral. J’étais en effet victime de l’influence déterminante des psychologues de la gendarmerie, que j’avais rencontrées, à nouveau, quelques semaines auparavant comme tout candidat, qu’il soit officier ou sous-officier. Ces incapables avaient le pouvoir de torpiller les candidatures des meilleurs et faisaient un mal considérable. Dès que vous aviez un peu de personnalité, dès que vous apparaissiez trop volontariste, vous étiez jugé instable, limite dangereux. Et votre candidature était donc écartée, puisque les décideurs se rangeaient très courageusement à leurs avis. Je me présente donc devant le jury. Je tire mon sujet : « L’Histoire de France ». Vaste sujet. Je passe dix à quinze minutes à préparer mes arguments et j’entre à nouveau dans la salle. Il se trouve que j’aime l’Histoire. Il se trouve surtout que j’aime notre nation, notre pays, notre France, plus que tout. Pendant quinze minutes, je synthétise presque deux millénaires d’histoire : les royautés, les dynasties, les Empires, les Républiques, les grandes batailles, les guerres… la chrétienté, l’identité française, le génie français.

Le Général, les Colonels demeurent cois. Ils sont bluffés. Ils n’en reviennent pas. J’en sais bien plus long qu’eux-mêmes. Surviennent ensuite les questions, diverses et variées, de tout ordre auxquelles je réponds, je crois, brillamment. Arrivé au terme de l’entretien, le Général de division, président du jury, me pose alors et surtout cette dernière question : « A votre avis, à quoi est imputable la Grève Générale ayant prévalu au sein de la gendarmerie nationale il y a trois mois ? » Je ne me souviens pas de la réponse que j’avais alors formulée mais je me souviens parfaitement de celle que j’aurais voulu lui adresser et qui me brûlait les lèvres : « Mais parce que vous êtes des nuls, mon Général. Vous et tous les autres grands chefs de la gendarmerie. Des nuls, des médiocres, des hypocrites, uniquement soucieux de vous-mêmes et de vos petites carrières, incapables que vous êtes de répondre aux besoins des gendarmes de terrain. Des lions commandés par des ânes ». Je m’étais mordu les lèvres et je m’étais bien sûr empêché de le lui dire. Je lui avais donc sorti la réponse convenue et attendue qu’il escomptait. Autrement, vous n’auriez jamais lu ces lignes. Et pourtant, j’étais déjà tellement dans le vrai.

Sans surprise, la note éliminatoire voire minimale était déjà mise de toute façon, 06/20 de mémoire, en dépit de la qualité de ma prestation à l’oral. Et je ne dus qu’à un miraculeux concours de circonstances le fait de voir finalement ma candidature retenue, envers et contre tout, quelques temps plus tard. J’entrais donc dans le corps des officiers de la gendarmerie nationale alors que je n’aurais jamais dû y figurer. Mais le tempérament était là, déjà bien présent et avec lui le besoin de vérités, le besoin de les affirmer. Je savais d’ores et déjà que je ne ferai pas une brillante carrière au sein de la gendarmerie nationale, au sein d’un milieu d’une telle hypocrisie.

Peu m’importait. Je ne me renierai pas. Tout valait mieux que de devenir comme eux. Et je m’y tins quel qu’ait pu en être le coût. La France méritait tellement qu’on la serve avec vertu et droiture, avec raison et avec passion. Je n’avais déjà que la France et les victimes en tête et au cœur.

Je porte à votre connaissance deux extraits de mon second livre qui constitue la suite du premier : « Candidat libre, Révélations d’un homme d’honneur en politique ».

Chapitre I – La sanction, p12-14

J’ai rendez-vous à onze heures avec mon général, j’ai rendez-vous avec mon destin. Je connaîtrai dans quelques heures la sanction disciplinaire qui m’a été infligée pour avoir rompu, fracassé le devoir de réserve dans un ouvrage paru à compte d’auteur, il y a de cela un peu plus de quatre mois, en octobre 2020. J’ai écrit ce livre en mon âme et conscience : Vérités d’un capitaine de gendarmerie, et je ne regrette rien. Bien au contraire, j’en ressens une immense fierté. Les généraux ont longtemps espéré que cet ouvrage soit mort-né, qu’il ne se diffuse pas, qu’il demeure confidentiel et anonyme. Ils ont peut-être même fait barrage en usant de leur influence, ils ont peut-être tout fait pour que personne n’en parle. Il leur a pourtant bien fallu se rendre à l’évidence, mois après mois. Il leur a pourtant bien fallu reconnaître son succès et qu’à présent, tout semble définitivement leur échapper. Le général d’armée commandant la Gendarmerie nationale et les étoilés et galonnés qui l’entourent ont longtemps hésité me concernant. Pour la plupart, il s’agit de très hauts fonctionnaires, de bureaucrates, de gestionnaires. Les officiers de terrain vertueux qu’ils étaient – à leurs débuts –, après être sortis de Saint-Cyr pour certains, sont désormais bien loin des réalités opérationnelles. Certains d’entre eux ont tout oublié des idéaux et des valeurs de notre grande école. À présent, ceux-là calculent, intriguent, broient les purs, se neutralisent, se détestent les uns les autres… mais ils se cooptent pourtant en une sorte d’endogamie incestueuse et méprisable jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie. Les mêmes ne pensent qu’au sommet de la pyramide, si proche et pourtant si lointain et si inaccessible. Ils placent leur énergie au service de leurs seuls intérêts personnels, en lieu et place de l’intérêt général et du bien commun. Ils ont la morale, l’éthique, l’honneur et le devoir plein la bouche, mais ils ont, pour beaucoup d’entre eux, perdu le sens de ces mots depuis bien longtemps déjà. 13 Pour une partie de ceux-là, ils ne connaissent plus rien du terrain, de la vraie réalité des choses, ou alors si peu quoi qu’ils en disent. Ce genre d’officier général a l’apparence d’un militaire, mais il a tout oublié de ce qui fait la spécificité des forces armées, du métier des armes : le courage, l’exemplarité, l’engagement, l’amour des hommes et de la France, l’esprit de sacrifice. La plupart sont devenus des civils en uniforme, voire même des politiques en uniforme, en prise avec les seules luttes de pouvoir. Ils sont inféodés au pouvoir politique en place avec pour seul leitmotiv : « Surtout, ne pas déplaire et surtout, ne pas faire de vagues. » Pourtant, oui, le militaire obéira toujours au politique mais il se doit de lui dire la vérité, sans peur ni crainte. Certains le font, bien heureusement, et ceux-là constituent l’espoir de la Gendarmerie nationale pour un avenir meilleur. A l’exception de ces officiers demeurés vertueux, ils sont un certain nombre à avoir oublié, du haut de leurs étoiles, qu’ils n’existent pas pour eux-mêmes, mais pour commander et servir avec valeur tous ceux qui sont en première ligne, tous ceux qui protègent la société, tous ceux qui s’épuisent au plus près des victimes et qui n’en peuvent plus. Le vrai sens des choses, la vraie gendarmerie, c’est la gendarmerie de terrain et non celle des états-majors ! Ces hommes et ces femmes si haut placés dans la hiérarchie militaire ne comprennent pas que l’on puisse penser et agir différemment, que l’on puisse se distinguer et ne pas se reconnaître en eux. Comment le pourrait-on, quand on est tout entier tourné vers les autres, vers ce qui est tant nécessaire, vers ce qui est essentiel à la sauvegarde de notre Nation? Notre Nation, notre France qui est pourtant tombée si bas après avoir été si glorieuse. Comment l’officier que je suis pourrait-il se reconnaître en ces militaires qui refusent de voir les urgences multiples, qui ne comprennent pas les soubresauts d’une société fragilisée et meurtrie de toutes parts ? Lorsqu’il ne leur a plus été possible de tergiverser, de reculer, il leur a pourtant bien fallu se rendre à l’évidence : ce capitaine ne s’arrêterait pas, il ne renoncerait pas. Ils avaient pourtant essayé de le bâillonner, de le contraindre au silence, en le bannissant, en le plaçant à nouveau au placard, en l’envoyant une nouvelle fois au purgatoire. Cela n’a servi à rien, ou plutôt cela n’a fait qu’exacerber, davantage encore, les motivations profondes du lanceur d’alerte qu’il est devenu. Puis, cela leur a explosé au visage. Les autruches, contraintes et forcées, se sont résolues à sortir la tête de leur trou et ont dû regarder la réalité en face. Les vérités de cet officier s’étaient répandues partout, comme la lumière du jour perce l’obscurité la plus noire. Son livre s’était vendu en quelques mois à cinq mille exemplaires. Le grand public commençait dès lors à connaître la face cachée de la Gendarmerie nationale, cette institution vieille de huit siècles, si vertueuse et si dévouée, mais qui était si mal commandée et qui craquait à présent de toutes parts, comme la société qu’elle était censée protéger. Les apparences demeuraient sauves, mais cette gendarmerie devait composer avec des démissions précoces et toujours plus nombreuses, de la part des militaires les plus remarquables et les plus capables. Il s’agissait des carrières écourtées de gendarmes de terrain, brillants et purs, dévoués à la seule protection des victimes, mais qui n’en pouvaient plus à force de coups bas, à force d’une hypocrisie subie, à force de l’immobilisme, de la couardise et du manque de soutien de nombre de leurs chefs. Les généraux et les colonels n’en parlaient pas, ils taisaient les choses, ils sacralisaient le « pas de vague » et, ce faisant, ils finissaient de désespérer et de pousser à la démission les meilleurs d’entre nous. Je ne suis pas comme eux et j’en suis fier. Je suis différent. J’ai toujours défendu les hommes et les femmes qui ont servi sous mes ordres, en tout cas tous ceux qui le méritaient du fait de l’excellence de leur manière de servir. Je les ai toujours aimés, j’ai toujours su leurs mérites et je les ai toujours récompensés. Surtout, je les ai toujours respectés et je les ai même admirés pour certains d’entre eux. J’ai toujours commandé comme j’aurais moi-même aimé être commandé et je ne me suis jamais soucié que des autres. Cela fait vingt-quatre ans que je suis capitaine. Je n’ai jamais été promu commandant. C’est aussi la raison pour laquelle ils me redoutent tant : ils n’ont aucune prise sur moi. Je suis issu des plus grandes écoles militaires, je suis sorti, comme tous les généraux, de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, mais je ne me suis jamais renié, je n’ai jamais trahi mes idéaux, je n’ai jamais foulé aux pieds mes convictions sur l’autel de l’arrivisme et du carriérisme. Je demeure l’un des officiers les plus diplômés et les plus décorés de la Gendarmerie nationale, je suis surtout un homme de terrain accompli, pragmatique et courageux. J’ai toujours été excellemment noté, je n’ai jamais été puni d’une quelconque sanction disciplinaire et pourtant, je n’ai jamais été promu. Je le dois à mon parler vrai. Je suis un militaire, pas un diplomate. Je suis droit, franc et sincère dans mes pensées et dans mes actes. J’agis au service des autres et pour les autres, voilà où s’est toujours trouvé mon honneur, quoi qu’il ait pu m’en coûter. Et parfois, on se prend à penser que si nous avions été plus nombreux à agir ainsi, au sein des forces armées comme au sein du monde civil, alors la France serait sans doute dans une situation moins catastrophique qu’elle ne l’est ! Je suis un officier de gendarmerie et je suis également devenu, mois après mois, avec la diffusion de mes idées, de mes convictions et de mes écrits, un écrivain. Je suis également devenu, grâce à une notoriété naissante, une sorte de porte-parole non officiel de la Gendarmerie nationale. Je suis devenu le défenseur des gendarmes de terrain et de la méritocratie. Je suis devenu celui qui pourfend l’hypocrisie et le politiquement correct. Je suis devenu l’apôtre du parler vrai au sein de cette noble institution et tant pis pour le prix à payer. La vérité n’a pas de prix et elle mérite qu’on lui sacrifie tout. La vérité répond aux aspirations profondes du Peuple, en écho aux évolutions d’une société dans laquelle beaucoup ne se retrouvent plus. Une société qui se fractionne et se liquéfie toujours davantage, à  force de désordres et de divisions, à force de pertes multiples d’autorité, à force de lâchetés et de renoncements répétés à l’infini et cela, jusqu’au plus haut niveau. Ce sont là toutes les pensées et les réflexions qui m’ont accompagné, alors que je parviens, après quatre heures de route, à ma destination.

Chapitre IX Mobilisation générale, p 198 et 201 :

À la fin du mois de février, il est question que je me rende à l’école de sous-officiers de gendarmerie de Chaumont. L’un de mes tout premiers lecteurs, un gendarme adjoint volontaire prénommé Rémi, en sortira très bientôt. Le temps est passé depuis qu’il a commandé mon livre. Il a réussi le concours d’accès au corps des sous-officiers de gendarmerie, il est venu me rencontrer en dédicace à Autun, j’ai eu la joie de le recevoir en mon domicile de Merceuil et nous avons beaucoup correspondu. Il a suivi une formation longue de huit mois au sein de cette école. Le 24 février aura lieu son baptême de promotion et il m’a fait l’honneur de me demander de venir le parrainer pour sa remise de galons. C’est un jeune homme remarquable, animé d’un réel idéal et habité des plus belles qualités morales et militaires. Je suis heureux de revenir dans une enceinte militaire et encore plus de lui faire honneur pour ce qui promet d’être une très belle journée. Son année a pourtant été difficile. Lorsque ses cadres de contact, ses instructeurs ont appris que nous nous connaissions et qu’il était mon « fils spirituel », ils ne lui ont pas facilité la vie. Ils n’ont pas fait preuve d’équité à son égard, les notes ont été basses et il ne sort pas avec le classement qu’il aurait sans doute mérité. Cela me scandalise, mais la Gendarmerie nationale, comme partout ailleurs, c’est aussi cela : des comportements iniques, de la petitesse d’esprit, des attitudes détestables de la part d’officiers qui ne font pas preuve de la hauteur de vue et de l’exemplarité pourtant si nécessaires. Dans cette école, comme dans toutes les autres, comme au sein de l’école des officiers de la Gendarmerie nationale, beaucoup m’écrivent pour me faire savoir que les élèves gendarmes comme les élèves officiers ne parlent que de moi au grand dam de leurs cadres de contact. Dans les cours d’éthique, dans les salles de classe, dans les amphithéâtres, les instructeurs évoquent chaque fois mon livre et ce qu’il contient. La question est toujours posée : qui a lu ce livre ? Personne ou presque ne répond jamais par l’affirmative, ils ont trop à perdre. Il a pourtant été lu de tous, il est connu de tous, même à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr à Coëtquidan. Les officiers mettent en exergue, en contre-exemple, ce livre et son auteur, et bien sûr, ils avertissent et ils menacent : « Sachez que le capitaine Moreau a été déloyal et qu’il a été sanctionné du blâme de la ministre ainsi que de quarante jours d’arrêts de rigueur ! » J’étais outré et scandalisé par ce qui m’était rapporté mais je n’en étais pas surpris. Il s’agissait là d’une des facettes de la gendarmerie, dans toute son horreur ! Pauvres imbéciles qui ne comprenez rien et qui n’entendez rien, me disais-je à chaque lettre parcourue. Je n’ai jamais été aussi utile à la gendarmerie et à mon pays qu’avec ce livre. Cela, ils ne le comprendront jamais…./….

Je me fais donc une joie d’assister, le 24 février prochain, au baptême de la cinq cent neuvième promotion de l’école de sous-officiers de gendarmerie (ESOG) de Chaumont, celle de Rémi, celle de mon jeune fillot. Cependant, je suis contraint de constater que rien ne change dans cette institution. L’avant-veille, Rémi me fait savoir, totalement atterré, que la direction de l’école ne souhaite pas ma présence et que l’accès au quartier me sera interdit. Le poste de police, à l’entrée de l’école est prévenu et ne me laissera pas accéder à la cérémonie. Toutes les familles, tous les parrains, tous les amis des autres élèves gendarmes seront présents mais lui demeurera seul. Sa mère, malade, ne peut être présente, hélas, et il est orphelin de père. J’en suis totalement écœuré et les cent douze gendarmes de sa promotion le sont également avec moi. Je pensais avoir fait le tour de la question en termes de bassesses de leur part, mais ils arrivent encore à me surprendre ! J’avais quitté le service actif depuis neuf mois, mais je fais encore partie de la réserve opérationnelle et je suis titulaire d’une carte de retraité de la gendarmerie. Aucun accès à une caserne de gendarmerie ne peut donc m’être interdit. C’est constitutif d’un nouvel abus de pouvoir. Pour une armée censée faire respecter la loi et les règlements militaires, et surtout censée les appliquer elle-même, censée incarner le bras armé de la justice, de tels agissements sont parfaitement scandaleux. Mon premier réflexe est de vouloir appeler CNEWS et de faire un scandale, en débarquant devant la grille de l’école avec les journalistes et les caméras de télévision. L’étoilé qui commande cette boutique ne s’en serait probablement jamais remis. Toutefois, sans nul doute, ils auraient présenté la note au gamin et ils se seraient vengés sur lui, ne pouvant m’atteindre. Je décide donc de faire preuve de sagesse, de renoncer et de ne pas venir, quoi qu’il m’en coûte. Là encore, le hasard n’existe pas. C’est le général de division Olivier K., mon ancien chef lorsque j’étais en poste à Beaune, qui doit venir présider la cérémonie. Je lui téléphone, je lui dis de quoi il retourne et je lui demande d’avoir quelques mots pour mon fillot. Bien sûr, il est ambitieux et il espère l’étoile suivante, la quatrième. Ils sont nombreux parmi les divisionnaires à vouloir l’obtenir et elle est rare. Par conséquent, il ne se mouille pas et ne prend aucun risque. L’équité et la justice auraient consisté à me répondre de venir, mais il ne le fait pas. Néanmoins, il tiendra parole et il donnera ses ordres. Il recevra Rémi avant le major de promotion et il le mettra en valeur, devant le front des troupes, en échangeant longuement avec lui. Les cadres de l’école ne comprendront pas pourquoi il se trouve ainsi distingué alors qu’il eut dû demeurer dans l’ombre, dans le néant. Ce n’est pas la seule chose qu’ils n’aient pas compris et ce ne sera sûrement pas la dernière, hélas ! Olivier K. est un homme et un officier de la plus grande valeur, presque au niveau du général de division Bertrand Cavalier, bien avant lui. En ne m’autorisant pas à venir à Chaumont ce jour-là, il ne voulait pas prendre le risque de déplaire et de compromettre la suite. Je le comprends, je suis déçu mais je ne lui en veux pas. Il évolue dans un système où parfois, il est moins périlleux pour soi-même de sacrifier la vertu au vice. La suite lui donnera raison. Il sera promu le 1er septembre, général de corps d’armée et directeur des opérations et de l’emploi de la Gendarmerie nationale.

Capitaine (e.r.) Hervé Moreau

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