Vannes. Un gendarme jugé pour avoir… jeté un iPhone perdu aux ordures

Un gendarme s’est retrouvé devant le tribunal, pour un dossier hors du commun.

Un gendarme s’est retrouvé devant le tribunal, pour un dossier hors du commun. | Illustration Ouest-France

Un gendarme, qui n’était pas en service au moment des faits, s’est retrouvé devant le tribunal correctionnel pour avoir simplement jeté un téléphone qu’il avait trouvé devant un distributeur de billets, à Vannes, en 2015. Sa carrière de militaire a été sanctionnée par sa hiérarchie.

Justice

Entre les violences commises sur des femmes, les vols en récidive, les conduites sous l’emprise de l’alcool et les outrages, voici un dossier hors du commun.

Celui d’un homme, âgé de 38 ans et gendarme dans le Morbihan. Il est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Vannes pour dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui.

Voici les faits. Nous sommes le dimanche 6 décembre 2015, place de la Libération, à Vannes. Cet homme, originaire de Ploërmel, retire de l’argent au distributeur de billets. Il découvre qu’un téléphone portable, un iPhone 5S, a été oublié. Il le récupère pour éviter qu’il soit volé, tente de le débloquer pour retrouver le numéro de téléphone de son propriétaire, en vain.

Il ne reste que 2 % de batterie. Il glisse le téléphone dans la poche de sa veste puis rentre chez lui en se disant qu’il irait, le lendemain matin, au service des objets trouvés. Le temps passe jusqu’au jour où le gendarme reprend sa veste et remet la main sur le téléphone, qu’il dit avoir complètement oublié, et le jette à la poubelle.

« Un geste machinal »

La propriétaire du téléphone dépose plainte au commissariat de police de Vannes et les bandes de vidéo surveillance sont visionnées. On retrouve l’auteur de ce qui va devenir, dans un premier temps, un vol.

« Lorsque vous l’avez retrouvé dans la poche, pourquoi ne pas l’avoir restitué à la banque ? Vous qui connaissez la loi », demande la présidente. Réponse de l’enquêteur professionnel : « Je l’avais oublié depuis quelques semaines. C’est une pensée non réfléchie et je pensais que le propriétaire ne l’attendait plus, qu’il n’allait servir à personne et qu’il n’y avait plus aucun intérêt de le rendre. Et d’un geste machinal, non réfléchi, je l’ai mis à la poubelle. »

Bilan de cette négligence : le gendarme, qui appartient à une cellule d’enquête, est sanctionné par sa hiérarchie et est muté dans une autre brigade. L’affaire monte même jusqu’au général de gendarmerie, à Paris, et c’est la section de recherches de la gendarmerie de Rennes, comme pour les affaires criminelles, qui est chargée de l’enquête. Pour un simple téléphone jeté à la poubelle…

Le gendarme ne reconnaît pas sa culpabilité

Le procureur de la République, François Touron, ne mâche pas ses mots. « Cette affaire n’aurait jamais dû venir devant le tribunal correctionnel, pour deux raisons. La première, c’est que les faits sont incompatibles avec la mission et le statut d’officier de police judiciaire qui sont les siens et la seconde était que le ministère public ne voulait pas donner une importance aussi grande à cette affaire, en proposant au prévenu de comparaître selon une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité. »

Cette dernière est une décision prise en accord avec le procureur et le prévenu dans son bureau.

Le ministère public poursuit : « Ce que j’ai tenté de faire comprendre au prévenu, c’est que le fait de disposer le droit d’utiliser ou de détruire, c’est le droit d’un propriétaire. Jeter quelque chose dans la poubelle, c’est se comporter comme son propriétaire. Qu’importe son intention au moment de récupérer le téléphone, le vol est constitué. Pas au moment où il prend le téléphone mais au moment où il le met à la poubelle. Il y a une jurisprudence. Ce n’est pas gravissime, ce n’est pas un vol armé, mais ça peut émouvoir une personne qui tient à ce téléphone. J’ai affaire à un officier de police judiciaire, il sait ce qu’est un élément intentionnel. »

Si le gendarme n’a pas accepté de comparaître sur reconnaissance de culpabilité, c’est « que je ne reconnaissais pas être coupable. Pas de vol, pas de dégradation », témoigne-t-il.

Une amende de 500 € requise

Au cours de l’instruction, les faits sont requalifiés, passant de « vol » à « dégradation et détérioration d’un bien appartenant à autrui ». Le procureur requiert une amende de 500 € à son encontre.

Me Alexandra Nokovitch, l’avocate du gendarme, se demande si « une erreur de jugement est une infraction pénale ? Je pose simplement cette question parce qu’aujourd’hui, la carrière de mon client est littéralement stoppée. Nous avons suggéré au parquet une réprimande. Nous aurions pu nous arrêter là. Cette erreur de base, dans une carrière saluée par sa hiérarchie par des médailles, constitue-t-elle une infraction pénale ? Non. »

La propriétaire du téléphone, absente à l’audience, s’est constituée partie civile. Elle demande 790 € de préjudice matériel et 400 € de préjudice moral.

La décision a été mise en délibéré. Le jugement sera rendu le 25 septembre, à 14 h.

Source : Ouest-France

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