Une formation unique mêle gendarmes et civils à l’Université de Cergy-Pontoise

8034735_238e4b24-418f-11e9-ac94-5143332cb3fa-1_1000x625Pontoise, le 12 février. Le comparateur vidéospectral fait partie des outils présentés aux étudiants. Les militaires, eux, apprennent à s’en servir de manière plus approfondie. LP/Julie Ménard

Pour la première fois en France, une formation diplômante pour détecter la fraude documentaire et analysée les écritures est dispensée par l’université et le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, situé à Pontoise.

Ce diplôme proposé par l’Université de Cergy-Pontoise (UCP) n’existe nulle part ailleurs. Vingt-sept personnes, venues de Paris, de Rhône-Alpes, de la Somme ou encore de Normandie, suivent la nouvelle formation d’analyse de documents. Contrairement aux cursus traditionnels, c’est dans les locaux du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), installé à Pontoise, qu’une majorité des cours sont dispensés. Car parmi ces « étudiants » se trouvent 20 gendarmes.

« Les contrôles de faux documents, c’est notre quotidien, indique Jérôme, employé à la Cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes (Celtif). Cette formation existait déjà en interne mais l’avantage avec cette nouvelle formule, c’est qu’on obtient un diplôme avec un équivalent civil qui nous sera utile si l’on est amené à quitter la gendarmerie. »

 

Le diplôme universitaire « Analyse de documents » se divise en deux branches : civile et militaire. Celle consacrée aux gendarmes est assez poussée : elle permet de vérifier l’authentification des titres sécurisés légaux tels que la carte d’identité. Le bruit d’une carte, la qualité de la photo, ou la technique d’impression utilisée peuvent attester de la conformité d’un document. Les militaires apprennent même à se servir d’outils technologiques de pointe pour y parvenir.

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« La nouveauté cette année, c’est que des professeurs de l’université dispensent des cours aux gendarmes, notamment pour l’analyse du corpus linguistique, explique le colonel Philippe Davadie, du pôle judiciaire. Ce sont des techniques de comparaison utiles à nos experts et aux étudiants. »

Un diplôme d’Etat de graphologie

Les personnes issues de la société civile, elles, ont un emploi du temps un peu différent. Elles se contentent de survoler ces aspects très techniques, parfois confidentiels, sans entrer dans le détail. En revanche, elles suivent les mêmes cours de comparaison d’écriture et de sciences du langage. Une matière enseignée par Julien Longhi, professeur à l’UCP. « Le champ lexical, la longueur des phrases, le style d’écriture, l’organisation séquentielle du texte ou les spécificités sociolinguistiques contribuent à l’identification de l’auteur. »

La plupart des civils qui suivent cette formation sont déjà graphologues. Ce qu’ils viennent chercher ici, c’est surtout un diplôme reconnu par l’Etat et délivré par l’université. « Des formations en graphologie existent en France mais pas de vraie formation diplômante, souligne le colonel Davadie. Elle va octroyer un gage de qualité aux experts inscrits auprès des tribunaux. »

De l’affaire Grégory à « Omar m’a tuer »

Si elle existe depuis plusieurs siècles, l’analyse graphologique est souvent remise en question devant un juge. Cette technique a pourtant déjà fait ses preuves. Elle a notamment permis de prouver que Ghislaine Marchal, assassinée en 1991, n’était pas l’auteure du fameux « Omar m’a tuer » écrit en lettres de sang. C’est également grâce à cette science que l’affaire Grégory, qui a débuté en 1984, a pris un nouveau tournant en 2017 après avoir permis d’identifier Jacqueline Jacob comme l’un des « corbeaux » maîtres chanteurs de la famille Villemin.

« Cette formation nous permet de compléter notre cursus et surtout d’être plus crédibles, témoigne Emilia, 34 ans et graphologue à Paris. Avec ce diplôme, notre travail sera plus reconnu dans le milieu judiciaire. »

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PJGN UCP CergyLP/Ju.M.

Des machines de haute technologie pour les analyses

Parmi les enseignements dispensés aux personnes qui suivent la formation « analyse de documents », et notamment aux gendarmes, l’utilisation des machines n’est pas négligeable.

La plus simple reste le microscope. En observant de près les jets d’encre sur le papier, les experts peuvent reconnaître le type d’impression. Ils déterminent ainsi si le document a été produit chez un particulier ou dans une imprimerie.

Mais d’autres outils de pointe sont plus complexes. La « boîte à lumière », comme l’appellent les gendarmes, est un comparateur vidéo spectral. En plaçant la feuille dans cette boîte fermée, l’utilisateur peut la voir à l’écran. A force de stimulations lumineuses, les écrits apparaissent en différentes teintes selon la chronologie du traçage. De quoi voir efficacement si un mot ou une modification a été apporté au document initial.

Un autre appareil sert à réaliser des chromatographies en phase gazeuse. Cette technique est notamment utilisée pour analyser la composition chimique des encres avec précision. Grâce à un système de spectrométrie, qui fait apparaître les différents constituants du produit.

Bientôt une autre formation dédiée à l’analyse de scènes de crime

Fort du succès du partenariat entre le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) et l’UCP, une nouvelle formation va voir le jour à la fin de l’année, d’ici à octobre ou novembre. Il s’agit d’une formation « Coordinateur des opérations criminalistiques », pour apprendre à décider des analyses à effectuer en arrivant sur une scène de crime. Celle-ci sera réservée aux gendarmes mais fera intervenir les professeurs de l’université, notamment pour leur apprendre à exploiter des bases de données en tous genres. L’idée étant de tester cette formation à Cergy dans un premier temps, puis de l’étendre à tous les enquêteurs des forces de sécurité.

Source : Le Parisien

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