Une enquête sérieuse et fouillée sur Arnaud Beltrame

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Rédigé par deux journalistes, voici le premier livre consacré à Arnaud Beltrame, ce «  héros dont la France a besoin  ». Quoiqu’en dise le sous-titre, l’ouvrage n’est pas une hagiographie sulpicienne de l’officier de gendarmerie tué lors de l’attaque terroriste de Trèbes, le 23 mars dernier.

L’enquête est solide, tant sur le déroulement des faits que sur la carrière de l’officier de gendarmerie. Les auteurs se posent également la question de savoir «  A qui appartient Arnaud Beltrame  », évoquant la récupération des politiques, comme l’attitude des catholiques ou des francs-maçons, puisqu’il était les deux à la fois. Retenons ici trois faits, qui n’épuisent pas le contenu du livre.

Sur Trèbes, tout d’abord. A 11 h 28, alors qu’il commande le dispositif arrivé sur place une demi-heure plus tôt, il prend la place d’une otage, Julie. Il ne le sait pas, mais le terroriste Radouane Lakdim n’a plus de munitions et il explique à Julie qu’il n’a pas l’intention de la tuer. Il veut, au contraire, «  tuer de l’uniforme  », selon ses mots. Beltrame lui en fournit doublement l’occasion : en se constituant prisonnier et en permettant au terroriste de récupérer son arme, un Sig Sauer. Trois heures se passent. Tout bascule à 14 h 16. Alors que Lakdim récite une invocation en arabe, Beltrame se jette sur lui, criant «  Assaut ! Assaut ! » Au cours d’un corps à corps, Beltrame est blessé par balles, et le terroriste l’égorge. L’antenne GIGN va mettre entre dix et douze minutes pour pénétrer dans le local, craignant que les accès soient piégés – et ne disposant pas de «  dépiégeurs d’assaut  », une spécialité qui n’existe qu’à Satory. Le GIGN est à quelques dizaines minutes de vol. Pourquoi Beltrame a-t-il fait cela ? Les témoignages vont tous dans le même sens : «  Il avait un côté idéaliste, une part d’inconscience et de naïveté. (…) Il pensait que l’adversaire serait maîtrisé. Il se disait, je vais le niquer (…) Il s’est d’abord dit, je vais sauver cette personne (Julie), car c’est notre métier de protéger les gens, mais il espérait certainement profiter d’une opportunité pour neutraliser l’individu  ».

Deuxième point, sa carrière militaire, qui n’est pas un long fleuve tranquille. Après une corniche à Saint-Cyr-L’Ecole – où il est parmi les tradis – il échoue à deux reprises au concours d’entrée à Coët. Il s’engage dans l’artillerie (35e RAP et 8e RA) comme officier de réserve en situation d’activité puis intègre l’EMIA et l’Ecole des officiers de gendarmerie de Melun, dont il sort major. Il échoue trois fois au concours de l’Ecole de guerre, mais passe un MBA en intelligence économique qui lui aurait permis de retenter sa chance. Il sert dans la mobile (Groupement blindé), à la Garde (1er RI), en départementale (Avranches et Aude) et détaché au ministère de l’Ecologie. C’est surtout son passage à l’EPIGN (aujourd’hui GIGN) qui retient l’attention. On devine que les choses s’y sont plutôt mal passées pour lui, notamment lors d’une mission en Irak – à la protection de l’ambassadeur Bajolet. «  La mission ne s’est pas très bien passée. Arnaud a eu des problèmes de commandement et certains sous-officiers l’ont flingué dans le dos  » explique un ancien. Un autre : «  Arnaud était un idéaliste, il a eu beaucoup de désillusions. Il a été dépassé psychologiquement sur ce théâtre de crise  ». Un dernier : «  Notre unité était trop féroce pour lui. Il n’en a sans doute pas gardé un bon souvenir. D’ailleurs, il n’a pas cherché à rester en contact avec nous  ».

Dernier point, ce qu’en dit le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Celui-ci doit gérer le cas difficile d’un héros qui ne peut pas être un exemple – si l’on veut que l’institution militaire continue à fonctionner selon ses règles. Voici ses propos, très dialectiques : «  Se mettre entre les mains d’un terroriste voulant tuer n’est évidemment dans aucun texte de procédure interne et ne le sera jamais. Les procédures sont faites pour permettre l’efficacité des interventions tout en veillant à la sécurité des militaires. Mais un gendarme prête serment, celui de servir la population, y compris, parfois, s’il le faut, au péril de sa propre vie. Arnaud Beltrame n’a pas appliqué des procédures ; il a fait mieux : il a respecté son serment. Et ce faisant, il a sauvé une vie, sans doute même plusieurs  ». Belle réflexion, que l’on confrontera aux polémiques sur l’inaction des militaires de Sentinelle au Bataclan…

Jacques Duplessy et Benoît Leprince, «  Arnaud Beltrame. le héros dont la France a besoin  ». Editions de l’Observatoire. Juin 2018. 17 euros.

Source : L’Opinion

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