Un système de piratage inédit dans la région découvert dans un poids lourd par les policiers maubeugeois


Le chauffeur a été contôlé dans la nuit de lundi par les policiers qui ont fini par découvrir le boitier sous le tableau de bord. Photo archives Edouard Bride. 

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Le chauffeur a été contôlé dans la nuit de lundi par les policiers qui ont fini par découvrir le boitier sous le tableau de bord. Photo archives Edouard Bride.

Lundi, lors d’un banal contrôle routier, la brigade motocycliste de Maubeuge a découvert un boîtier électronique ingénieux dans un camion tchèque, permettant de fausser les données de circulation. Le chauffeur moldave a pu ainsi rouler trois jours non-stop au mépris de la législation européenne. Et déclarer seulement… 320 kilomètres entre son lieu de départ et son arrivée en France.

Le pot aux roses a été mis au jour lundi, lors d’une opération de police nocturne sur la route d’Avesnes à Louvroil. Les hommes de la formation des motocyclistes urbains (FMU) contrôlent alors les poids lourds originaires en majorité d’Europe de l’Est.

Vers minuit, ils jettent leur dévolu sur un chauffeur moldave, à bord d’un camion immatriculé en République Tchèque. Les motards saisissent alors la carte de son disque numérique – véritable boîte noire du poids lourd – pour la passer dans leur logiciel. Et là surprise, les données montrent que le chauffeur est déclaré en temps de repos depuis le milieu d’après-midi. « Pourtant il était bien en train de rouler. Au départ les agents ont pensé à un bug », explique le commandant Jean-Marc Paris, du commissariat de Maubeuge.

Une activation en quatre coups de pédale

Le camion est immobilisé puis remorqué jusqu’à un garage pour être passé au peigne fin. Lors d’une première inspection, aucun élément suspect n’est découvert. Mais les enquêteurs ne lâchent pas et vont jusqu’à ouvrir le tableau de bord. « C’est là que nous avons découvert un petit boîtier électronique relié à la boîte de vitesses », ajoute le commandant Paris.

Les policiers ne mettent pas longtemps à comprendre le rôle du mécanisme, d’autant que le chauffeur, en garde à vue, passe aux aveux après deux heures d’audition. Le système permet de trafiquer le disque. Il suffit pour le conducteur d’effectuer deux pressions sur la pédale d’accélérateur, puis deux pressions sur la pédale de frein, et voilà le disque désactivé. Le camion entre en temps de repos alors qu’il roule encore.

320 kilomètres entre la République Tchèque et la France !

Voilà comment le chauffeur moldave a pu circuler vendredi, samedi et dimanche en continu, de l’Europe de l’Est jusqu’en Sambre. Pour tout ce voyage, le disque a enregistré officiellement 320 km. Et son périple n’était pas terminé, le poids lourd devait rallier Orléans afin de livrer une marchandise pour le compte d’Amazon. Le géant américain avait fait appel au départ à une société polonaise, qui elle-même a sous-traité à un autre prestataire.

« Le chauffeur n’a pas respecté les temps de repos et a pris de gros risques, surtout que lorsque son boîtier est activé, le régulateur de vitesse est inactif. Quand un poids lourd se renverse, les dégâts sont énormes », souligne le commandant Paris. Le système de piratage a une autre conséquence : les kilométrages moteurs ne sont pas enregistrés. Les poids lourds peuvent donc parcourir plus de 500 000 kilomètres et n’en compter qu’une centaine de milliers officiellement. Pas mal pour la revente en occasion.

Pour les policiers du Nord, cette découverte dans un poids lourd est une première. Ils avaient déjà soupçonné de la triche mais jamais à un niveau aussi poussé. Selon leurs informations, ce système est de plus en plus présent en Pologne, en Russie ou en République Tchèque. Il existe même une version où le chauffeur peut mettre en marche la coupure du disque avec son smartphone. Puis la désactiver d’urgence en cas de contrôle.

Certaines sociétés peuvent donc proposer des livraisons en un temps record et casser la concurrence en France. D’autant que la main-d’œuvre est bon marché. Le chauffeur moldave a expliqué lors des auditions être payé entre 250 et 700 € par mois. Lui est ressorti libre de sa garde à vue. Son employeur devra payer presque 6 000 € d’amende pour récupérer le véhicule.

Par MORAD BELKADI

Source : La Voix du Nord

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