Syrie : après les ratés de l’armée française, « il y a une crise de crédibilité »

Tir d'un missile de croisière navale (MdCN) par la France la nuit du 13 au 14 avril 2018 vers la Syrie
Tir d’un missile de croisière navale (MdCN) par la France la nuit du 13 au 14 avril 2018 vers la Syrie
©DR

Ces tirs de missiles devaient faire entrer la France dans un cercle très fermé : celui des fabricants de MdCN (missiles de croisière navale). Mais les lancements de ces armes flambant-neuves vers la Syrie ont connu plusieurs ratés. Un signal « assez inquiétant » selon le journaliste Jean-Marc Tanguy. Pour lui, les négociations commerciales pour exporter les missiles français vont sérieusement se compliquer.

Entretien avec Jean-Marc Tanguy, grand reporter à Raids Aviation, spécialiste des questions de Défense, réalisé le 22 avril 2018 :

-TV5MONDE : Que s’est-il passé selon vos informations pendant l’opération Hamilton dans la nuit du 13 au 14 avril, lors des tirs de missiles de la France vers des sites chimiques syriens ?

– Jean-Marc Tanguy : Deux types d’événements. Dans les airs, l’un des cinq avions Rafale en opération n’a pas tiré l’un de ses missiles par précaution. Il y a eu un imprévu lors du test effectué avant le largage. Finalement, le missile a été largué manuellement au dessus de la mer, comme le prévoit la procédure.

Ce qui était moins prévu par la procédure, c’est ce qui s’est passé en mer, à bord de frégates multimissions (FREMM) de la Marine française. La première frégate, l’Aquitaine, n’a pas pu tirer ses missiles, puis sa doublure non plus. C’est donc la dernière frégate, celle de réserve, la Languedoc, qui a pu enfin tirer trois missiles de croisières navales.

C’est un raté puisque c’était le premier tir opérationnel de ces nouveaux missiles de croisière navale (MdCN).

-Ces ratés peuvent-il porter un lourd préjudice à l’image de l’armement de fabrication française ?

Jean-Marc Tanguy
Jean-Marc Tanguy

– J-M. T. : Très clairement , il y a une crise de crédibilité. On ne sait pas à ce stade ce qui est en cause : est-ce que c’est le missile, la frégate qui porte le missile ou la relation entre la frégate et le missile via ce qu’on appelle le système de combat ? Tout cela est assez inquiétant et la seule réponse du ministère des Armées n’est pas satisfaisante puisqu’il oppose le secret défense. Or, ni le citoyen/contribuable français, ni les clients exports ne vont apprécier ce genre de réponse.

– Précisement, est-ce que ces ratés peuvent handicaper les ventes de ces nouveaux missiles français à l’exportation ?

–  J-M. T. : Le missile de croisière navale (MdCN) était un élement différenciant des offres commerciales françaises à plusieurs pays. Notamment à la Pologne, où la France tente de placer des sous-marins face à l’Allemagne. Et l’Allemagne n’a pas d’équivalent du MdCN tiré depuis un sous-marin.

Donc c’était un peu la botte secrète de Naval Group [NDLR : groupe industriel français, fabricant des frégates concernées] en Pologne. Cette proposition française sortait du lot, dans la mesure où Paris pouvait offrir à la fois des sous-marins performants et des MdCN qui étaient présentés comme performants.

Comme la ministre de la Défense ne souhaite pas s’exprimer, il est évident que ça va compliquer un peu la prospection commerciale. Il se trouve que pour l’instant, avec ce rideau de secret autour des ratés de l’opération Hamilton, il est vraisemblable que les Polonais ne vont pas considérer que le MdCN est l’élément différenciant que Paris met en avant.

A un moment, il faudra une explication de texte de la part de la ministre des Armées mais entre temps, la crédibilité aura été perdue.

Source : TV5 Monde

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