Seb, 35e policier suicidé : j’accuse la hiérarchie policière et l’IGPN de sa mort

Rose

Cette nuit du 20 au 21 juin 2019, un 35e policier s’est suicidé depuis le début de l’année. Seb, cet article est en ta mémoire.

Oui je sais, avec les GJ, la police n’est pas en odeur de sainteté et certains sur les réseaux sociaux, gagnés par la colère, n’hésitent pas à vomir sur la police et à cracher leur haine en oubliant parfois que derrière l’uniforme se cache un homme et que si tous les GJ ne sont pas des casseurs et des Black Blocs, tous les flics ne sont pas des brutes imbéciles prêtes à tirer au LBD dans le visage des manifestants. Y’a des cons en jaunes et des cons en bleu… Et puis il y a la grande majorité des gens bien qui font comme ils peuvent et qui méritent notre respect et notre compassion.

J’ai décidé de vous raconter l’histoire de Seb pour plusieurs raisons. D’abord parce que dans ce cas précis, je ne tire pas mes info de la Presse qui dit parfois n’importe quoi, mais de sa sphère familiale très proche avec qui je suis en contact et que je suis certain de ce que j’avance. Ensuite parce que cette histoire lamentable et terriblement triste est une parfaite illustration de l’acharnement de son administration sur un fonctionnaire alors que le ministère de l’Intérieur, devant la vague de suicides dans la police, a affirmé avoir pris conscience de l’extrême malaise de ses troupes, même si la seule réponse qu’il a trouvée à apporter est l’organisation de barbecues (oui oui, je ne plaisante pas, des barbecues contre des flingues pressés sur la tempe !) et la mise en place d’une ligne téléphonique d’urgence dont on attend toujours le numéro et les intervenants… La dernière des raisons qui me pousse à parler, c’est que la presse, BFM en tête, commence à dire des conneries qu’il est urgent de rectifier, ne serait-ce que pour la mémoire de Seb et le respect de sa famille.

Seb avait 45 ans, dont près de 20 dans la police nationale. Il laisse une femme, trois enfants, deux frères et des parents éplorés. Jusqu’à 2017 il avait une carrière sans taches, brillante même… Jamais un problème disciplinaire et même quatorze lettres de félicitations dont neuf à titre personnel. Il avait longtemps bossé aux stups et était actuellement affecté en brigade territoriale à Toulouse. Malheureusement, et ça son administration aurait dû en tenir compte avant de le traiter si mal, il avait déjà fait une tentative de suicide il y a quelques années, mais après cinq mois de repos et avec le soutien de ses collègues et supérieurs il avait repris sa profession qu’il adorait et à qui il donnait beaucoup, car il croyait profondément en sa mission.

Seb s’était pacsé avec une collègue en poste dans le 93 et il désirait se rapprocher d’elle. Il avait donc, comme c’est fréquent dans de nombreuses administrations, cherché à permuter avec un de ses collègues en poste dans le 93 désireux de venir dans le Sud. Autant dire que ce n’était pas compliqué à trouver ! Échanger un poste dans la banlieue dure de la grisaille parisienne contre une mutation au soleil de Toulouse, certains flics attendent cette aubaine pendant 15 ou 20 ans ! C’est même tellement rare et recherché que, même si c’est parfaitement illégal, certains n’hésitent pas à monnayer cette permutation pour des sommes pouvant parfois atteindre plusieurs milliers d’euros… Vous allez voir que cette information n’est pas anodine !

Bref, Seb trouve rapidement et facilement un collègue avec qui permuter et le dossier se met en place dans les méandres de l’administration. La procédure dure plusieurs mois et à aucun moment Seb – qui n’a pas besoin d’argent (il vient de vendre sa maison) et qui n’a qu’une envie, rejoindre sa femme avec qui il désire faire un enfant, n’évoque avec son collègue la moindre transaction financière.

Et puis la veille du jour où la commission doit approuver cette permutation, Seb a un dernier échange par écrit avec son collègue, et pour des raisons qu’on ignore, peut-être est-il un peu agacé par lui, peut-être fait-il de l’humour grinçant et un peu déplacé, mais il fait la bêtise de lui rappeler que cet échange de poste aurait pu lui coûter plusieurs milliers d’euros… Il prend quand même soin, voyant que son collègue prend mal les choses, de lui écrire qu’il ne lui réclame rien (ce serait d’ailleurs trop tard puisque la commission se réunit le lendemain) et qu’il n’a fait que lui faire remarquer l’excellente affaire qu’il faisait.

Et là tout s’emballe ! Le collègue en question fait l’acte le plus dégueulasse qu’on puisse imaginer… Tiens, je vous préviens, les flics bordelais, vous avez une sacrée enflure qui est arrivée dans vos rangs ! Le félon fait des copies d’écran pour faire croire à sa hiérarchie que Seb a tenté de lui soutirer de l’argent et profite de l’événement pour faire annuler la décision de mutation. La hiérarchie prévient le préfet et l’inspection générale de la police nationale est saisie. Seb, l’excellent flic apprécié et bien noté, devient le mouton noir et l’administration décide d’en faire un exemple, quitte à le sacrifier injustement. Le rouleau compresseur se met en marche et va le broyer pendant près de deux ans. La première sanction est que désormais toute mutation lui sera refusée et qu’il ne pourra pas rejoindre sa femme. Heureusement, ses collègues et ses patrons qui le connaissent bien le soutiennent, car ils le savent incapable de ce genre de magouilles, mais face à l’IGPN c’est bien insuffisant.

Les mois passent, sa commission de discipline est plusieurs fois reportée et il est enfin convoqué mardi dernier à 10 heures pour être jugé par ses pairs. Une commission de discipline, c’est un peu comme un tribunal des prud’hommes, les juges sont à la fois des représentants de la hiérarchie administrative et des représentants syndicaux ou des collègues. Les débats sont houleux et la tension palpable. Alors que tous les flics de terrain qui siègent sont au pire pour une sanction légère et symbolique du type avertissement ou blâme, les représentants de l’administration veulent faire un exemple et taper fort en réclamant deux ans de suspension sans solde. C’est une sanction extrêmement rare que l’on ne donne que pour des manquements très graves à la déontologie, et à des policiers au cursus rempli de fautes d’avertissements et de blâmes ! Finalement, comme les membres de la commission ne peuvent se mettre d’accord sur la sanction, il est décidé de renvoyer le dossier au Ministère avec néanmoins comme avis, une demande de suspension de deux ans…

Seb sort de cette commission absolument laminé ! Dès le lendemain, il reprend néanmoins son poste où il reçoit encore le soutien de tous ses collègues. Mais il ne supporte pas ce désavœu… Alors que sa carrière est jusque-là exemplaire, il est traité par son administration comme un « ripou » et on envisage de le priver de salaire pendant deux ans après l’avoir désavoué.

Hier soir vers minuit, Seb s’est pendu. Paix à son âme !

Cette histoire affreuse donne un éclairage terrible aux 34 autres suicides de flics depuis le début de l’année 2019. Il est urgent que l’administration prenne en compte le mal-être de ses personnels et les vies broyées que laissent derrière elle la politique du chiffre et une gestion scandaleuse des effectifs.

Dans n’importe quelle entreprise privée, une telle hécatombe aurait déjà donné lieu à de nombreux audits. Pour donner un exemple, Amnesty International a connu deux suicides au sein de son personnel en 2018. Ils ont immédiatement commandité un audit par une boîte extérieure qui a rendu son rapport. Dans la foulée de ce rapport, 5 des 7 directeurs d’Amnesty International ont plus ou moins volontairement donné leur démission…

À quand une prise de conscience place Beauvau ?
Je finis cet article en rendant hommage à Seb et à ses collègues et patrons toulousains qui l’ont soutenu du mieux qu’ils ont pu. J’adresse toutes mes amitiés à sa famille.
Et sur un plan plus personnel, je supplie deux de mes amis flics qui me sont chers, Claude et Pascal, de ne pas craquer face aux persécutions de leur administration qui fait tout pour les écraser et de rester debout tels que je les ai toujours connus.

Vous êtes importants les mecs, déconnez pas !

François Galvaire

Source : Riposte Laïque

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