Respecter les principes, même pour Gérald Darmanin

Il y a suffisamment de choses à reprocher au système Macron pour n’avoir pas besoin d’emprunter une simple plainte judiciaire aux fins de discréditer le ministre de l’Intérieur.

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Gérald Darmanin vient donc d’être nommé à la tête du ministère de l’Intérieur en remplacement du pauvre Christophe Castaner. On pourrait critiquer cette nomination, les qualités du nouveau titulaire de la place Beauvau, transfuge alimentaire de la droite LR, apparaissant éloignées de ce qu’exige le poste.

On pourrait également s’étonner des rumeurs d’un président de la République cédant une nouvelle fois à un chantage à la démission, démontrant là sa dépendance aux bricolages politiques auquel il est contraint faute de base réelle.

Malheureusement, c’est à une nouvelle instrumentalisation de la justice à des fins politiques à laquelle on assiste avec le lynchage médiatico-judiciaire habituel partant de l’existence d’une procédure judiciaire ouverte à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile déjà ancienne, et pour laquelle Gérald Darmanin n’a jamais été mis en examen ni même sous le statut de témoin assisté.

Cela ne gêne pas la meute pour qui la simple existence d’une plainte qui porte toutes les marques d’une vendetta judiciaire vaut brevet de culpabilité. Alors c’est la clameur, sans savoir de quoi il s’agit, on se précipite, on accuse le nouveau ministre de l’Intérieur d’être un violeur et Macron de le savoir et de le protéger.

Désolé mais il y a suffisamment de choses à reprocher au système Macron pour n’avoir pas besoin d’emprunter ces détours. Et nous serons ravis le jour où Darmanin chassé du gouvernement de la République ira se morfondre dans sa mairie de Tourcoing. Mais nous devrons l’y renvoyer par des moyens politiques.

Caroline assouvit ses rancunes

Petit rappel de cette histoire tordue. Au début des années 2000, Madame X, escort girl professionnelle, ce qui en bon français veut dire prostituée, s’était livrée à l’encontre d’une de ses proies à du harcèlement, du chantage et des menaces de mort.

Traduite en correctionnelle en 2004, elle y fut condamnée, ce qui n’est pas rien, à dix mois de prison avec sursis, deux lourdes amendes, et 15.000 € de dommages-intérêts à sa victime. En 2009, soit cinq ans plus tard, elle aurait adhéré à l’UMP, et se serait rapprochée de la direction de ce parti pour tenter d’obtenir un appui pour «faire effacer» sa condamnation.

Cette démarche est pour le moins curieuse dans la mesure où, la décision judiciaire étant définitive, toute demande de relevé ou de non-inscription au casier judiciaire relève de la seule compétence de la juridiction ayant rendu la décision de condamnation. Il est fort peu probable que Madame X l’ait ignoré.

C’est donc dans ces circonstances que la jeune femme aurait fait la connaissance d’un permanent de l’UMP, Gérald Darmanin. Concernant la suite, leurs versions divergent mais s’accordent au moins sur les éléments suivants: après avoir fait connaissance, ils se sont rendus un soir dans un club échangiste. Tous deux savaient ce qu’on y faisait. Puis, dans une chambre d’hôtel, Madame X serait descendue pour une course à la pharmacie pour revenir ensuite dans la chambre où une relation sexuelle aurait été consommée.

Huit ans plus tard (!), au printemps 2017, Madame X, prise de rage à l’annonce de l’entrée de Gérald Darmanin au gouvernement, décida qu’elle avait été victime d’un viol et déposa plainte. Elle refusa pourtant à plusieurs reprises de se rendre aux convocations de la police judiciaire, ce qui entraîna évidemment un classement sans suite.

Son actuel mari prit alors contact avec Caroline de Haas, dont l’inimitié pour Gérald Darmanin est bien connue. Ravie de l’aubaine, celle-ci lui expliqua que l’on pouvait aussi, d’après le Code pénal, violer «par surprise», et lui conseilla cette stratégie en l’aiguillant vers une avocate de ses connaissances.

Nouvelle plainte, nouvelle enquête préliminaire et nouveau classement sans suite. Et Gérald Darmanin de rester à l’époque ministre du budget malgré les demandes pressantes de démission de la part de féministes bruyantes, ce qui est habituel, et de quelques politiques, ce qui est lamentable. On n’assouvit pas ses rancunes par juge interposé.

Quand le juge respecte le droit

Nouvelle plainte, mais cette fois-ci avec constitution de partie civile, qui aboutit automatiquement à la désignation d’un juge d’instruction. Celui-ci, régulièrement saisi, a rempli son office et rendu la très prévisible décision de non-lieu au vu des éléments du dossier et des déclarations de l’avocate de la plaignante qui explique dans sa plainte l’épisode de la chambre d’hôtel: «Elle tente alors de « repousser le moment fatidique au maximum », hélas, constatant que l’acte était toujours « au programme », (…) malgré tous ces détours, elle avait dû finir par s’y plier.»

Alors soyons clair, cette description émanant de la plaignante elle-même, est bien celle d’une acceptation; et un acte sexuel, s’il est consenti, n’est pas un viol, même s’il n’est pas désiré. Observons également que la référence au métier qu’avait pratiqué Madame X n’est pas là pour dire qu’on a le droit de violer une prostituée, mais simplement d’imaginer que l’on avait affaire à quelqu’un qui, sur ces questions, n’avait a priori pas froid aux yeux.

Le juge était en présence de deux versions contradictoires, parole contre parole, sans témoin. Gérald Darmanin, invoquant le consentement et la plaignante le contestant, quoique de façon très alambiquée.

Que devait-il faire alors? Simplement remplir son office, qui consiste d’abord à apprécier les faits qui lui sont soumis et à en établir la réalité; cela s’appelle «l’élément matériel». En l’occurrence, il y a eu un acte sexuel. Il faut ensuite les qualifier juridiquement en identifiant l’article du Code pénal applicable; c’est «l’élément légal», le texte de l’article 222–23 du Code pénal qui réprime le viol. Et enfin établir «l’élément moral», c’est-à-dire l’intention de commettre l’infraction. Parce qu’en droit français, il n’y a pas de crime ou délit sans intention de le commettre. Cela veut dire que, si tant est que la plaignante ne fut pas consentante, il faut établir que Gérald Darmanin le savait.

Tout ceci est élémentaire et relève de la première année de droit.

Assez de ce chantage

Cette première ordonnance de non-lieu provoqua comme d’habitude des hurlements: en France on aime la justice exclusivement quand elle vous donne raison. Des gens de bonne foi se sont en plus laissés prendre en prétendant que le juge aurait dû dire dans son ordonnance que Madame X était consentante. Mais comment l’aurait-il pu? Elle prétend le contraire, et le magistrat n’était pas dans la chambre d’hôtel. On me répond alors qu’il aurait pu déduire l’existence de ce consentement de son attitude préalable. Mais pour quoi faire? Il n’est pas là pour trancher entre ces deux paroles contradictoires, mais pour établir une éventuelle culpabilité.

La démarche juridique du magistrat doit être de vérifier si l’élément moral de l’infraction, c’est-à-dire l’acte sexuel forcé en l’absence de consentement, est présent, autrement dit que Gérald Darmanin savait que Madame X n’était pas consentante. Le juge d’instruction avait fort normalement conclu que cette preuve ne pouvait être rapportée, et il l’a fait au regard des éléments de son dossier en considérant que, même si Madame X n’avait pas été consentante au moment de l’acte, Gérald Darmanin ne pouvait pas le savoir.

Que l’on ne vienne pas me dire que cette approche pourrait concerner les autres hypothèses de viol, c’est-à-dire par violence, contrainte ou menace. Quand on est violent, que l’on contraint, que l’on menace pour obtenir quelque chose, on sait très bien ce que l’on fait.

Chacun, dans son for intérieur, peut penser que la plaignante se fout du monde. C’était peut-être même le cas du juge d’instruction, mais il a passé outre et rempli sa mission en faisant du droit et en respectant les principes qui doivent impérativement conduire le procès pénal.

Il se trouve que postérieurement à cette première ordonnance de non-lieu tout à fait justifiée sur le fond, la Cour de cassation saisie par la plaignante, a constaté que le juge d’instruction pour la rendre s’était appuyé sur le seul dossier (très fouillé) des enquêtes préliminaires réalisées par le parquet. Elle a considéré que le juge aurait dû le compléter par ses propres investigations. Qui auraient sans nul doute amené la même conclusion. Mais cette décision qui n’est donc que de pure forme apparaît justifiée, car effectivement quelle que soit la qualité du travail effectué par le parquet, le juge d’instruction, juge du siège indépendant et impartial doit aussi se livrer à ses propres constatations.

Alors il est assez lamentable d’entendre à nouveau cette clameur qui non seulement foule aux pieds le principe fondamental de la présomption d’innocence, mais prend les plus grandes libertés avec la réalité du dossier sur lequel personne au sein de la meute n’a daigné se pencher.

Eh bien non, le combat essentiel contre le viol et les violences faites aux femmes ne doit pas passer par la mise à bas et la destruction de nos principes fondamentaux.

Même pour Gérald Darmanin.

Source : Front Populaire

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