Pourquoi les accusations contre Alexis Kohler pourraient avoir un impact plus grave que l’affaire Benalla

Une enquête est actuellement ouverte contre le bras droit d’Emmanuel Macron, accusé de conflits d’intérêts.

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Aurelien Morissard/IP3 via Getty ImagesPourquoi les accusations contre Alexis Kohler pourraient avoir un impact plus grave que l’affaire Benalla

POLITIQUE – Une affaire chasse l’autre à l’Elysée? L’association Anticor a déposé mercredi 8 août une plainte pour « prise illégale d’intérêt » contre le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, dont Mediapart a révélé deux jours auparavant qu’il avait approuvé, comme haut-fonctionnaire, des contrats concernant l’armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère.

Si elles sont confirmées, ces accusations pourraient une nouvelle fois ébranler la présidence de la République, déjà au cœur du scandale dans l’affaire Alexandre Benalla. Mais selon plusieurs spécialistes, si de nouvelles révélations concernant le secrétaire général de l’Elysée continuent de sortir dans la presse, l’affaire Alexis Kohler pourrait avoir un impact plus grave que celle qui porte le nom de l’ancien collaborateur et garde du corps d’Emmanuel Macron.

La justice a en effet ouvert une enquête fin mai après la première plainte de l’association anticorruption auprès du parquet national financier. Déposée pour « prise illégale d’intérêt », « trafic d’influence » et « corruption passive », la plainte s’appuyait sur les premières révélations de Médiapart.

Kohler, « le pivot de la République » ébranlé

Cette enquête, si elle accouchait d’une mise en examen, pourrait faire vaciller l’Elysée. « A mon sens, si les faits sont avérés pour Alexis Kohler, je pense que sur le plan politique, l’affaire est plus grave que celle d’Alexandre Benalla », estime l’historien Jean Garrigues auprès de Franceinfo.

Même son de cloche pour Jérôme Fouquet de l’Ifop. « C’est politiquement et institutionnellement bien plus grave », tranche le sondeur sur France 5, rappelant qu’Alexis Kohler est le bras droit du président, son homme de confiance fidèle parmi les fidèles. « C’est le pivot de la République. D’autant plus qu’Emmanuel Macron a manifestement une très fort proximité avec lui. Une toute confiance en lui. C’était le cas sous les précédents quinquennats mais là c’est très fort », explique-t-il.

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Et Jérôme Fouquet d’estimer qu’on est « très loin d’un collaborateur qui a joué les policiers et est allé mettre un coup de poing a des manifestants. » Il s’agit ici d’une affaire qui touche l’ancien directeur de cabinet d’Emmanuel Macron quand il était ministre, principale cheville ouvrière de la création d’En marche! en 2015 et grand artisan de sa campagne présidentielle.

L’opposition commence d’ailleurs à se saisir du dossier, ne manquant pas de rappeler l’affaire Benalla. « Nous sommes face à un phénomène oligarchique », fustige le député Insoumis Ugo Bernalicis auprès du Figaro, quand Sébastien Chenu du Rassemblement national parle d’un pouvoir « bâti sur le mensonge et la dissimulation. » Du côté des Républicains, on dénonce « l’hypocrisie de la majorité » sur la moralisation de la vie publique, sujet fort de la présidence d’Emmanuel Macron.

De quoi Alexis Kohler est-il accusé?

Anticor et ces responsables politiques reprochent à Alexis Kohler d’avoir approuvé en 2010 et 2011 des contrats entre l’armateur MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère, et le port du Havre, dont il était alors membre du conseil de surveillance, selon des documents révélés par Médiapart. Le site d’informations avait déjà accusé le numéro 2 de l’Elysée de conflit d’intérêts au motif qu’il avait siégé à partir de 2010 au conseil d’administration de STX France -les chantiers navals de Saint-Nazaire-, dont MSC était le principal client, et qu’il avait rejoint l’armateur quelques années après.

Le bras droit du président de la République était devenu après août 2016 directeur financier de la filiale croisières de MSC, grâce au feu vert de la commission de déontologie de la fonction publique. Cette dernière s’était opposée en 2014 à une première tentative du haut fonctionnaire de travailler pour l’armateur. Mariannecroit d’ailleurs savoir que pour cette deuxième demande, fructueuse cette fois-ci, Alexis Kohler a pu bénéficier du soutien d’Emmanuel Macron alors ministre de l’Economie, qui se serait alors « porté garant de l’intégrité de l’énarque. »

Le problème est que le numéro deux de l’Elysée a affirmé s’être toujours écarté des débats quand il a eu à connaître comme haut-fonctionnaire des dossiers concernant MSC. Seulement, Mediapart a ouvert un nouveau front en publiant deux procès-verbaux du conseil de surveillance du « Grand Port maritime du Havre » qui affirment le contraire.

Des allers-retours dans le privé qui alimentent les soupçons

Selon les documents, Alexis Kohler y siégeait, de 2010 à 2012, comme représentant de l’Agence des participations de l’Etat aux côtés du maire du Havre, l’actuel Premier ministre Edouard Philippe. Lors de deux réunions, en septembre 2010 et 2011, il a pris la parole et voté en faveur de contrats à venir entre le port du Havre et Terminal Normandie MSC, filiale française de l’armateur et acteur majeur de l’extension du port alors en cours.

Plusieurs ex-membres du conseil ont d’ailleurs affirmé au site d’informations « qu’ils ignoraient tout de la situation familiale d’Alexis Kohler et qu’ils sont tombés des nues quand ils ont découvert très récemment ses liens avec MSC », l’un des plus gros transporteurs maritimes de conteneurs au monde.

Membre actif de la campagne présidentielle pour le candidat Macron, Alexis Kohler avait rejoint l’Elysée en mai 2017 après moins de neuf mois passés chez MSC. Dans l’intervalle, il était revenu à Bercy en mars 2017 pour participer, comme cadre de l’armateur, à une réunion sur la reprise de STX France alors en faillite, alimentant les soupçons de conflit d’intérêts.

« Passer de la haute fonction publique au privé est insupportable, il faut couper toute relation entre le pouvoir politique et économique », s’indigne le député communiste Stéphane Peu à ce sujet, avant de s’étonner auprès de Franceinfo, que son amendement interdisant ces pratiques ait été refusé par la majorité. De son côté, l’Elysée n’a pas souhaité commenter ces accusations, évoquant « une affaire judiciaire en cours. »

Source : Le HuffPost

 

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