Manifestations : les policiers priés de mieux s’identifier

Alors que la loi les oblige à porter sur la voie publique le numéro dit RIO permettant de les identifier, nombre de policiers intervenant dans les manifestations rechignent toujours à l’arborer. Le directeur général de la police vient de leur rappeler cette nécessité.

Paris, le 21 septembre 2019, lors de l’acte 45 des Gilets jaunes. Depuis novembre 2018, plus de 200 enquêtes pour violences policières ont été ouvertes par l’IGPN, les fonctionnaires mis en cause n’ayant pu être retrouvés dans nombre de ces procédures LP/Frédéric Dugit

Sept chiffres qui continuent de faire débat. Depuis 2014, et une décision de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, chaque policier exerçant sur la voie publique doit arborer son RIO. Ce « Référentiel des Identités et de l’Organisation » identifie individuellement les agents du ministère de l’Intérieur, qu’ils soient policiers ou gendarmes. Figurant également sur les cartes de police, dites « de réquisition », il est différent du matricule.

Via un « scratch » sur l’uniforme ou le brassard « police », pour ce qui concerne les effectifs en civils, ce RIO permet d’assurer une transparence qui est tout sauf anecdotique. Depuis les premières manifestations de Gilets jaunes, plus de 200 enquêtes pour violences policières ont en effet été ouvertes par l’IGPN, les fonctionnaires mis en cause n’ayant pu être retrouvés dans nombre de ces procédures, souvent faute de RIO apparent. Régulièrement, notamment pour ce qui concerne les forces dédiées au maintien de l’ordre, celui-ci n’est toujours pas porté de manière visible.

« C’est un simple rappel aux obligations »

A tel point que le 30 décembre, selon nos informations, le directeur général de la police nationale a dû rappeler ses troupes à l’ordre. « Il me semble important dans le contexte de fort engagement des forces de sécurité que les directeurs et chefs de service […] puissent rappeler à l’ensemble de leurs personnels que le port du RIO est impératif, écrit Eric Morvan. Cette instruction s’applique quelle que soit la tenue de travail, y compris la tenue de maintien de l’ordre. Je souhaite que vous diffusiez ce rappel sans délai. »

« C’est un simple rappel aux obligations », nuance le service communication de la police (Sicop), lequel souligne que cette question du respect du port du RIO est du ressort des premiers maillons hiérarchiques. « Ce sont aux chefs de section de s’assurer qu’il est bien porté, souligne-t-on au Sicop. C’est une question de management. » Jusqu’à aujourd’hui, aucune sanction n’a jamais été prise pour un manquement à cette règle. Les seules qui pourraient l’être le seraient pour un gardien de la paix rappelé à l’ordre, et qui refuserait de s’exécuter. Mais là encore, aucun dossier disciplinaire n’a jamais été ouvert pour de tels faits. En clair : si non-port du RIO il y a, c’est le plus souvent avec accord de la hiérarchie de base. « En période de tension sociale, par exemple pour ce qui concerne les CRS, ce n’est pas toujours la priorité de la hiérarchie, reconnaît un haut fonctionnaire. Et quand celle-ci l’exige, c’est assez mal vu de la part des policiers de terrain… »

« Le scratch ne tient pas très bien »

Pourtant, cette situation est spécifique à la police. Car dans la gendarmerie nationale, le port du RIO semble être entré dans les mœurs. « Ce n’est pas la priorité de nos collègues, note cet autre cadre policier. Après une opération de maintien de l’ordre, les encadrants ne vont pas vraiment insister sur ce point une fois de retour au service. » Le même justifie certains non-ports par des raisons pratiques. « Sur les brassards, notamment, le scratch ne tient pas très bien. »

Du côté des syndicats, où l’on a toujours été opposé à cette identification, on ne dit pas autre chose. « Les tenues dites « Robocop », celles du maintien de l’ordre, n’ont pas été pensées pour le port du RIO, justifie ainsi Philippe Capon, secrétaire général du syndicat Unsa-police, majoritaire chez les CRS. Lequel rappelle à son tour son administration à d’autres obligations qu’il appelle de ses vœux. « On demande depuis longtemps l’anonymisation des nominations ou affectations qui figurent au Journal officiel, insiste Philippe Capon. Car ces données ont pu être utilisées par certains activistes pour envoyer des menaces de mort aux domiciles de nos collègues. » Preuve selon lui qu’à être trop identifiables, les fonctionnaires de police peuvent courir un risque.

Une situation « contraire au droit international »

Mais pour les associations de défense des droits de l’homme, la priorité est avant tout au respect de la loi. « Dans le maintien de l’ordre, le RIO n’est quasiment jamais porté, ou caché sous les équipements », déplore Anne-Sophie Simpere, responsable « plaidoyer liberté » pour Amnesty International. Une situation « contraire au droit international. »

« Pour la police, l’usage de la force va légalement de pair avec la possibilité d’identifier les agents dans le cadre de leurs activités », précise Anne-Sophie Simpere. Laquelle juge irrecevable l’argument d’un empêchement matériel à porter ce numéro. « La police française n’est pas la seule à faire du maintien de l’ordre. À l’étranger, d’autres polices en font, et cela n’empêche pas leurs agents de porter un numéro permettant de les identifier après-coup. »

Source : Le Parisien

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