Lettre d’un gendarme au Ministre

CHAT-humour

Cette lettre a été adressée au Ministre Sarkozy alors que ce dernier était candidat à l’élection présidentielle. Ce dont se plaint notre camarade est toujours d’actualité et rien ne semble avoir changé malgré la décennie passée.

 

Ce courrier est un peu long mais nous avons voulu vous le soumettre car ce camarade dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas encore aujourd’hui :

 

 

Monsieur le ministre et candidat à l’élection présidentielle,

Je suis militaire dans une brigade territoriale de proximité dans le LOT (93ème département sur l’échelle de la délinquance /96).

J’écoute avec intérêt les débats et les différents meetings de chacun des candidats.

J’ai récemment lu que, lors d’un discours que vous avez prononcé le 27 novembre 2006 à ELANCOURT, vous envisagiez d’améliorer notre quotidien en matière de logement, de garde d’enfants et de pouvoir d’achat, en laissant entendre qu’en échange l’horaire de travail devrait être allongé.

Je suis stupéfait par ces propos. La gauche a crée la société des 35 heures (surement la plus grosse « connerie » de la Vème République). Nous sommes loin d’être dans ce cadre puisqu’une semaine ordinaire se compose d’un minimum de 43 heures effectives et 29 heures en régime d’astreinte. Je précise bien c’est un MINIMUM.

Les régimes d’astreinte de 24 heures sont variables selon les semaines.Pour ce qui est des heures effectives, vous connaissez peut-être un peu notre travail, c’est l’évènement qui commande.

Un événement pris en fin de journée, proche de l’heure de débauche, sera géré jusqu’à son terme et pourra nous engager jusque tard dans la nuit, sans récupération, sans relève et sans indemnité. Nous ne fonctionnons pas comme la Police. Nous ne sommes pas comptable de nos heures.

Oui mais dans cette société, polluée par le social, je revendique quand même le droit d’avoir une vie privée après mon travail et une vie de famille. J’estime avoir le droit d’éduquer mes enfants. Avec les régimes d’astreinte nous ne jouissons que de 18 soirées de libre par mois. Je voudrais avoir le droit d’en profiter.

Un colonel s’est exprimé le 14 décembre 2006 lors d’une cérémonie de Ste Geneviève et a eu un discours extraordinaire pour un officier de gendarmerie. Il a tout d’abord mis en avant le fait que le gendarme exécute bon nombre de missions qui ne sont pas de son ressort, qui ne font pas parti des indicateurs de la gendarmerie et qui pourtant occupent une grande partie de son temps.

Ensuite il a eu ces mots très justes : « Un gendarme élève beaucoup d’enfants qui ne sont pas toujours les siens. Un gendarme voit plus de misère, plus de blessés, de morts, plus de problèmes et plus de levers de soleil que la moyenne. Le gendarme est dehors par tous les temps, son uniforme change avec la météo mais sa vision de la vie reste la même gardant l’espoir de jours meilleurs ».

Quand je fait le constat des heures consacrées à mon activité professionnelle et que vous parlez de rallonger le temps de travail, je me pose la question suivante : Allez vous changer le cycle du soleil pour qu’il y ait 25 heures ou plus encore dans une journée ?

De ce raisonnement j’en arrive à la mesure suivante : Vous voulez améliorer notre habitat ? Très bien, la caserne où je réside est vétuste (1975), mais si vous allongez encore le temps de travail, gardez votre argent destiné à l’amélioration de notre habitat car nous n’allons plus pouvoir rentrer chez nous ! Équipez notre véhicule d’une glacière et d’un matelas, nous y passerons plus de temps que dans notre logement.

Pour ce qui est de la garde des enfants, je suis divorcé. Mon ex-femme me reprochait de n’être jamais là. Et vous voulez en rajouter ? Penchez vous sur l’indicateur des divorces et des suicides de notre corporation. C’est une mesure indispensable si l’on suit votre logique. Comment trouver une assistante maternelle en campagne, qui voudra accepter de garder des enfants les nuits et travailler au rythme de mes heures ? Elle n’est pas militaire Elle, elle a des droits, elle n’est pas obligée de subir mes contraintes professionnelles.

Pour ce qui est du pouvoir d’achat, il est exact qu’au vue des heures et du régime de disponibilité que notre métier impose, il pourrait être augmenté. Je n’ai jamais fait le calcul pour ramener mon salaire au taux horaire et je ne vais pas le faire de peur de découvrir que je ne suis même pas au SMIC. Je n’oublie pas que je suis logé dans un logement concédé par nécessité absolue de service. Cet « avantage social » devient une contrainte pour l’accès à la propriété puisque le prêt à taux 0% nous est refusé. En effet le bien que nous acquérons est considéré comme résidence secondaire. Il s’en suit également le doublement des impôts locaux, des abonnements EDF, Télécom etc…

C’est aussi ce logement qui fait nos astreintes qui ne sont pas rémunérées. C’est aussi ce logement qui permet à tous les échelons de commandement de nous avoir sous la main au coup de sifflet. Cela fini par faire beaucoup, nous sommes militaires et corvéables à souhait.

Concernant mon salaire j’ai fait le triste constat suivant : En 2004 – traitements et salaires = 24311 euros. En 2005 – traitements et salaires = 24178 euros. Pourtant je suis devenu Officier de Police Judiciaire avec une prime de 50 euros par mois en plus par rapport à 2004 (une misère par rapport aux responsabilités que cela implique). Qui a dit que les salaires avaient augmenté ? Oui notre pouvoir d’achat a été dévalué comme notre statut dans la société.

Concernant mes inquiétudes elles sont essentiellement sur la retraite et sur l’avenir de mes enfants dans cette société en décrépitude. Notre régime de retraite a été revu et nous, qui sommes militaires, avons été considérés comme des fonctionnaires. Nous ne sommes pas dans la catégorie des emplois pénibles.

Je ne comprend pas ; Un agent SNCF, classé dans la catégorie travail pénible, a plus de contrainte que moi ? Il fait 30 heures réparties sur une année et touche 2500 euros par mois. Il partira à la retraite à 50 ans. C’est tout simplement scandaleux.

Je ne suis pas un fonctionnaire aux 35 heures, je ne suis pas en repos tous les week-end, je ne sais pas ce que c’est de faire le pont du 1er mai, du 8 mai, du 14 juillet, du 15 août, de Pâques, de Pentecôte. Je ne passe pas toutes les fêtes (Noël, Nouvel an) en famille, c’est l’une ou l’autre. A l’heure de la retraite je vais me retrouver avec le même statut qu’un fonctionnaire. C’est lamentable.

Je ne suis ni contre les réformes, ni contre les avancées sociales mais je suis contre les injustices.

Monsieur le Ministre et candidat à l’élection présidentielle, voilà ce que je souhaitais exprimer en réaction à votre discours d’Elancourt.

Je voudrais ajouter concernant les statistiques qui sont annoncées à la télévision, la seule que je considère réelle est la baisse des accidents de la route, bien que janvier 2007 soit mauvais. Je pense que le reste est un changement de méthode de calcul et ne représente pas la réalité. Nous avons une petite activité délictuelle dans notre circonscription et je ne la vois pas bouger au fur et à mesure des années. Je suis en poste depuis 7 ans et avec la culture du résultat qui est imposée, à tous les échelons, nos services extérieurs se sont multipliés. Je n’ai jamais eu autant le sentiment d’être au service du politique.

Dans votre programme vous dites : « travailler plus pour gagner plus ». Oui mais ce n’est pas applicable à tous, comment quantifier notre travail ? La prime au rendement, instaurée aux fonctionnaires, est d’application chez nous. Elle fait rire et grincer des dents. Le Roi et sa coure sont servis tous les ans, j’entends par la le commandant de groupement et les services. Nous qui sommes au front, le pourcentage de récompensé est faible. Un exemple qui devrait nous faire rire : L’an passé le gendarme auxiliaire en charge du courrier du colonel a été récompensé. Il est plus méritant qu’un gendarme ayant fait le travail de brigade avec tout ce que cela implique.

Les motards sont récompensés, est-ce au nombre des procès verbaux ? Il n’est donc pas fait de différence entre un Timbre Amende, qui prend 5 mn, et une procédure judiciaire qui peut durer des mois. Quels sont les critère d’attribution ?

Quand le gendarme fait son travail, il est payé pour cela. Quand le gendarme fait une erreur, c’est un incapable. Quand il fait face au danger, à la violence, aux risques de se faire écraser en portant assistance, ce sont les risques du métier.

J’ai le sentiment que nous sommes les laissés pour compte de la société et pourtant, en permanence, tout le monde compte sur nous. J’ai le sentiment d’être dans un ascenseur qui ne fait que monter. Je me donne énormément pour le travail que j’aime accomplir mais je n’en reçois aucune reconnaissance.

Voila ce que je voulais exprimer.

Que comptez vous faire pour nous ?

 

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