Le général [2S] Gomart remet sur la table l’idée de fondre le Service action de la DGSE au sein des forces spéciales

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En France, on distingue les opérations clandestines, jamais revendiquées, et les opérations discrètes, qui, souvent, ne le sont que du bout des lèvres. Les premières relèvent du Service Action [SA] de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE] tandis que les secondes sont confiées au Commandement des Opérations Spéciales [COS], lequel est placé sous les ordres du chef d’état-major des armées [CEMA] et sous l’autorité directe du président de la République française.

Le SA, qui compterait plus de 700 militaires, a, à sa disposition, une unité aérienne, à savoir le Groupe aérien mixte [GAM] 56 « Vaucluse », basé à Évreux, le Bâtiment de soutien à la plongée [BSP] « Alizé », et trois autres unités dont le Centre parachutiste d’entraînement spécialisé [CPES], le Centre parachutiste d’instruction spécialisée [CPIS] et le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes [CPEOM]. Toutes ces unités ont reçu le droit au port de la fourragère aux couleurs de l’Ordre de la Libération en juillet dernier.

Ces dernières années, le SA a fait parler de lui à son corps défendant : en janvier 2013, avec l’échec de la tentative de libération de l’un des siens, Denis Allex, alors otage des jihadistes somaliens, et en juillet 2016, quand trois de ses sous-officiers perdirent la vie dans la chute d’un hélicoptère Mi-35 de l’Armée nationale libyenne [ANL], abattu par un missile tiré par une milice pro-Daesh.

Dans un livre qu’il vient de cosigner avec le journaliste Jean Guisnel [« Soldat de l’Ombre – au Coeur des Forces Spéciales« ], et dont le Figaro Magazine publie les bonnes feuilles, le général [2S] Christophe Gomart, qui a dirigé le COS et la Direction du renseignement militaire [DRM] au cours de sa carrière, revient sur ces deux affaires.

L’opération montée pour libérer Denis Allex, alors détenu dans un village situé dans la région de Bulomareer, avait exigé des moyens militaires assez conséquents, avec la mobilisation du porte-hélicoptères amphibie [PHA] Mistral, alors placé en « Incon Rouge » [communications coupées], des hélicoptères Caracal et Tigre [fournis par le COS] et deux avions mis à la disposition par les forces américaines. Malheureusement, elle se solda par un échec, avec la mort de trois membres du SA [dont Denis Allex, ndlr].

Se défendant de toute mauvaise polémique sur la façon dont a été conduite cette affaire, le général Gomart estime qu’elle a donné lieu à un « mélange des genres » qui doit être « décortiqué pour que cette erreur ne se reproduise pas et qu’on puisse bien se répartir les rôles, chacun agissant avec ses moyens et ses compétences, dans la cour qui est la sienne, pour une meilleure efficacité. » Car, fait-il valoir, « dès lors que l’on monte une opération avec un groupe d’assaut, ça devient une opération militaire. Le COS est fait pour ça. Une opération clandestine, c’est autre chose : trois ou quatre personnes subtiles et rusées, au grand maximum. »

Ce « mélange des genres » est aussi pointé du doigt par le général Gomart quand il explique qu’il arrive à la « DGSE d’utiliser sans la moindre autorisation une soi-disant appartenance au COS comme une couverture ». Ce qui fait que « nos homologues étrangers, tout comme les forces que nous appuyons, s’y perdent, car ils ne comprennent plus qui est qui et qui fait quoi. »

« Bien qu’elle le démente, la DGSE utilise bel et bien cette couverture. Ses avions vont même jusqu’à utiliser sans vergogne les immatriculations de ceux du COS. Cela crée un mélange des genres qui n’est bon ni pour les uns ni pour les autres : le flou, c’est toxique. D’autant que dans la majorité des cas, les détachements du COS sont envoyés en mission sans être avertis de la présence éventuelle d’hommes du SA », déplore le général Gomart… alors que la réciproque n’est pas vraie. « Le rapport de force entre les forces spéciales et la DGSE est si disproportionné, l’autonomie de cette dernière dans l’appareil d’État est telle que les protestations sont vaines », poursuit-il.

Aussi, étant donné que la limite entre action clandestine et action discrète est devenue « très ténue, voire inexistante », le général Gomart remet la question d’une fusion du SA et du COS sur le tapis, sans pour autant remettre en cause les moyens dont dispose le premier.

Cette question avait d’ailleurs été évoquée dans un rapport du Sénat, publié il y a maintenant six ans. Rapport qui avançait peu ou prou les mêmes arguments que le général Gomart. « Il ne fait aucun doute pour personne que certaines opérations clandestines sont en réalité des ‘opérations spéciales’ et gagneraient à être effectuées par des forces spéciales », avaient en effet estimé ses auteurs, à savoir les sénateurs Gérard Larcher, Jacques Gautier et Daniel Reiner. Pour autant, il ne s’agissait pas dans leur esprit de pousser nécessairement jusqu’au bout la logique défendue par l’ancien GCOS.

En effet, et alors que le COS manquait d’effectifs à l’époque, ces parlementaires avaient proposé de puiser dans ceux du SA, estimant que l’État ne « pouvait pas se payer le luxe de dupliquer ses moyens ».

« Il ne s’agit en aucune façon de remettre en cause la nécessité pour notre pays de disposer de forces capables de mener des opérations clandestines. Mais il s’agit de repenser à froid l’action clandestine compte tenu de l’évolution des technologies et de prendre en compte une éventuelle ‘civilianisation’ des effectifs », avaient estimé les rapporteurs.

Cela étant, lors d’une audition parlementaire réalisée en 2016, soit après les attentats contre le Bataclan et le Stade de France, Bernard Bajolet, alors directeur de la DGSE, avait affirmé que ses services – et en particulier le SA – avaient conduit « 51 opérations afin de réduire la menace terroriste, c’est-à-dire faire arrêter des gens, déjouer des projets ou mettre des terroristes hors d’état de nuire », au cours des trois années précédentes. Et d’insister :  » Nous combattons le terrorisme par l’aval – les opérations ciblées ou l’attrition des moyens armés, puisque Daesh est la rencontre d’un projet terroriste avec des moyens militarisés. »

Soldat de l’Ombre – au Coeur des Forces Speciales, général [2S] Christophe Gomart et Jean Guisnel – Taillandier

Source : Opex 360

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