Le Blanc : un imam sous très haute surveillance

Un fourgon de gendarmes stationnait devant l'entrée de l'hôtel, hier, au Blanc. - Un fourgon de gendarmes stationnait devant l'entrée de l'hôtel, hier, au Blanc.

Un fourgon de gendarmes stationnait devant l’entrée de l’hôtel, hier, au Blanc.

Un prédicateur assigné à résidence dans un hôtel du centre-ville fait l’objet, depuis trois semaines, d’un dispositif renforcé. Une mesure de prévention.

Depuis trois semaines, les Blancois ne parlent que de cela, ou presque. « C’est le sujet de conversation numéro un », confirme une commerçante de la place de la Libération, en plein centre-ville. Des gendarmes équipés de gilets pare-balles se relaient, 24 heures sur 24, devant la porte d’entrée de l’hôtel du Théâtre, en plein centre-ville. En voiture, banalisée ou non. Un fourgon est aussi régulièrement stationné place André-Gasnier, à quelques mètres de là. « C’est impressionnant et même anxiogène, commente un autre commerçant. Et comme on ne sait rien… »
Gendarmerie de l’Indre et préfecture n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Cette situation a laissé place aux plus folles rumeurs. Car, depuis le 14 septembre 2015, un imam, sous le coup d’une mesure d’expulsion (lire ci-dessous), est assigné à résidence dans l’une des chambres de l’hôtel du Théâtre. L’État français lui reproche des prêches « antisémites et violents ». Ni l’homme, âgé de 64 ans, ni son avocat n’ont souhaité s’exprimer alors que des recours administratifs sont en cours.

Éviter qu’il ne prenne la fuite

Le dispositif, qui implique un peloton de seize gendarmes mobiles, a été mis en place à la suite d’une décision du gouvernement pour renforcer la surveillance autour des personnes assignées à résidence. Début septembre, Merouane Benahmed, ex-membre du GIA algérien, s’était enfui de la commune d’Évron (Mayenne) avant d’être arrêté en Suisse, deux semaines plus tard.
Annick Gombert, maire, tient à rassurer ses administrés : « Il n’y a aucun danger pour la population du Blanc. S’il devait en y avoir un, ce serait sans doute à travers un réseau extérieur pour mettre en place quelque chose ailleurs. » L’imam n’a d’ailleurs jamais posé aucun problème, assure-t-elle. L’occasion pour l’édile de rappeler qu’« un seul fiché S » demeure au Blanc et qu’en décembre 2015, à la suite des attentats de Paris, la perquisition administrative menée à son domicile n’avait « rien donné ». Là encore, des rumeurs couraient.
La présence de l’imam reste un sujet sensible. Pourtant, il n’est pas rare de le croiser dans les rues, affirment plusieurs témoins. Notamment lorsqu’il s’astreint à ses obligations de pointer, à la gendarmerie, deux fois par jour. Sa famille lui rend visite « régulièrement ». « On le voit aussi qui va faire ses courses en déambulateur, raconte un habitant. En civil ou avec sa djellaba, ça dépend. » Comme lorsqu’il se promène en bord de Creuse. Depuis trois semaines, il est accompagné des gendarmes.

bertrand.slezak@nrco.fr

repères

> Prêches antisémites et violents. L’imam fait l’objet, depuis le 22 décembre 2014, d’un arrêté d’expulsion vers son pays d’origine : l’Égypte. Les autorités lui reprochent d’avoir prononcé, de manière répétée et pendant plusieurs années, des prêches antisémites et violents dans des mosquées d’Ile-de-France.
> La Châtre et Châteauroux avant Le Blanc. La première mesure d’assignation à résidence a été signée, le 22 juillet 2015, des mains du ministre de l’Intérieur : la commune désignée était La Châtre. En dehors d’un court intermède à Châteauroux, du 21 août au 4 septembre 2015, il y a été astreint jusqu’au 14 septembre 2015. Date à laquelle il est arrivé au Blanc, à l’hôtel du Théâtre. Depuis le 4 novembre 2015, il doit pointer, deux fois par jour, à la gendarmerie, contre trois auparavant.
> Recours. L’imam conteste son expulsion vers l’Égypte. « Il épuise tous les recours », confirme Annick Gombert, maire du Blanc.
Il demande également la suspension de son assignation à résidence dans l’Indre, tout au moins un rapprochement avec son lieu de résidence habituel, où vivent son épouse et l’un de ses enfants (NDLR : à 300 km de là, dans l’Essonne). Pour ce faire, lui et son avocat mettent en avant la gravité de son état de santé, incompatible selon eux avec cette obligation de vivre dans une commune aussi éloignée et la fréquence des pointages et des déplacements qu’ils impliquent. Ils déplorent aussi l’impossibilité de recevoir l’aide sa famille.
> Le précédent de 1994. Ce n’est pas la première fois que l’hôtel du Théâtre, au Blanc, accueille une personne assignée à résidence. A partir d’août 1994, un étudiant algérien y a été hébergé pendant deux ans. Celui-ci avait été arrêté quelques jours plus tôt dans le cadre d’un spectaculaire coup de filet décidé par Pasqua, ministre de l’Intérieur, dans les milieux « islamistes ». Dans nos colonnes, Abdeslam affirmait ne rien avoir à se reprocher. Il avait finalement été libéré, en septembre 1996, puis avait retrouvé sa famille, à Lyon.

Bertrand Slézak

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