La Rivière-Drugeon : police et gendarmerie pouvaient-elles éviter la mort d’Aurélia ?

Les parents et le frère d’Aurélia Varlet ont engagé un recours gracieux auprès de la garde des Sceaux et du ministre de l’Intérieur. Ils estiment que la mort de leur fille et sœur incombe en partie à la négligence des services de police, de gendarmerie et du parquet de Besançon.

Un an, jour pour jour. Un an après le drame de La Rivière-Drugeon. Un an après la mort d’Aurélia Varlet, exécutée par son ex-compagnon, Didier Grosjean, qui s’est ensuite donné la mort, la famille de la jeune femme vient d’adresser un recours gracieux auprès de la garde des Sceaux et du ministre de l’Intérieur.

Jolie formule administrative qui masque l’expression plus crue et brutale d’une plainte contre l’État pour des manquements graves et répétés des services de police, de gendarmerie et du parquet de Besançon. Dans des actes de procédure qui, estiment les parents et le frère d’Aurélia, auraient permis d’éviter cette tuerie. Le 14 août 2013, Aurélia Varlet, qui avait accepté de rencontrer à nouveau Didier Grosjean, quelques semaines après leur rupture, avait été abattue de deux balles, dont une à bout portant dans le cou.

Classements sans suite à répétition

Rédigé par leur avocat, Me Randall Schwerdorffer, ce recours fait état des plaintes antérieures déposées par la précédente compagne de Didier Grosjean.

Plainte pour enlèvement suivi de séquestration, en plein amphithéâtre de la faculté de sciences de Besançon, le 25 janvier 2011 et classée sans suite. Plainte pour harcèlement téléphonique, e-mail et menaces de mort devant témoin le 25 avril 2011 et classée sans suite. Plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et dégradation de son véhicule, à l’issue d’une course-poursuite vertigineuse en voiture qui s’est achevée au fossé pour la jeune femme après avoir été percutée le 27 septembre 2011, et classée sans suite, sans qu’aucun acte d’enquête ne soit diligenté.

Ce n’est qu’en avril 2012, qu’un courrier adressé au procureur de la République, Alain Saffar, en personne, est enfin pris en compte. Ce dernier adresse une réquisition au service de gendarmerie de Pontarlier dont, malheureusement, deux des trois exigences formulées ne seront pas effectuées avant que la procédure soit classée, à nouveau, sans suite, cinq mois après par l’un de ses substituts. L’une d’elles concernait la vérification des armes détenues par Didier Grosjean. Ce n’est qu’après le meurtre d’Aurélia que l’on s’apercevra qu’elles l’étaient en totale illégalité.

Entre-temps, un courrier de l’avocate de la jeune femme subira le même sort. Celui-ci faisait état de possibles connivences de Didier Grosjean avec des fonctionnaires de police de Pontarlier lui ayant permis d’obtenir certaines coordonnées personnelles de son ex-compagne et celle de son compagnon afin de poursuivre son œuvre de harcèlement.

La gestion de ce dossier particulier pose évidemment beaucoup de questions. « On peut dire sans forcer le trait qu’il a été géré avec la plus extrême négligence et une absence totale d’investigations » estime Me Schwerdorffer, « la discordance entre l’objectif affiché de mieux prendre en compte les violences faites aux femmes et la réalité du terrain me laisse sans voix ! » Mais pas sans arguments.

Un schéma identique

« Il ressort de l’enquête qu’Aurélia Varler a subi après sa rupture avec Didier Grosjean un véritable harcèlement, tout comme la précédente compagne de ce dernier. Et elle a été assassinée de la façon dont Didier Grosjean avait menacé de tuer cette dernière également », expose l’avocat. « Si ces plaintes avaient été gérées convenablement avec une enquête adéquate, Didier Grosjean, qui consommait d’importantes quantités de substances classées et vénéneuses, notamment des stéroïdes anabolisants interdits en France et pouvant entraîner des troubles psychiatriques, n’aurait pas été laissé dans un sentiment de toute-puissance et de totale impunité grandissant. Il a reproduit exactement le même schéma de menaces lors de ces deux ruptures, à la seule différence qu’il est allé la seconde fois jusqu’au bout ! »

Réponse dans deux mois

Le recours exercé par la famille Varlet, anéantis par la mort de leur fille et sœur, sera très probablement étudié avec soin par les services de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Ceux-ci ont un délai de deux mois pour y donner suite, ou pas. Dans le premier cas, l’État reconnaîtrait sa faute et accorderait alors une indemnisation, chiffrée à 75.000 € par personne dans le recours. S’il refuse, la plainte devra alors être examinée devant le tribunal administratif.

Fred JIMENEZ

Source : Est Républicain

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