La Coupe du monde dans nos vies, épisode 8. L’histoire de Steeve, soldat français mort dans l’indifférence pendant la grève de Knysna

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Steeve Cocol, brigadier-chef du 1er régiment des hussards parachutistes de Tarbes

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Un article d’Hélène Sergent sur le journal 20 Minutes  Publié le 21/06/18 à 10h05 — Mis à jour le 21/06/18 à 10h05 concernant le décès d’un soldat le 22 juin 2010 et sur lequel nous devrions nous poser un instant, réfléchir et nous poser la question : 

 

Quelle valeur accordons nous à la vie et aux évènements qui jalonnent cette vie ? …

 

Je vous laisse à votre lecture et à votre réflexion :

 

DEUIL Steeve Cocol, brigadier-chef du 1er régiment des hussards parachutistes de Tarbes est mort vendredi 18 juin 2010. Le même jour que l’altercation entre Nicolas Anelka et Raymond Domenech…

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Le corps de Steeve a été rapatrié de Kaboul le 22 juin 2010. En France, le fiasco de Knysna occupe tout l’espace médiatique. — JOEL SAGET / AFP

 

  • Steeve Cocol était le 44e soldat français tué dans le cadre de sa mission en Afghanistan.
  • A l’époque, son décès passe inaperçu dans les médias alors focalisés sur la «grève» des joueurs de l’équipe de France.
  • Dix ans après, ses proches reviennent sur la collision entre ces deux événements qui ont bouleversé leur vie.

Nous sommes tous un peu la Coupe du monde. Qu’on adore ou qu’on déteste le foot, qu’on le suive régulièrement ou une fois tous les quatre ans, qu’on soit né un soir de juillet 1998 ou trente ans avant, nous avons tous une expérience singulière et collective liée à la Coupe du monde. Durant tout le Mondial en Russie, 20 Minutes vous propose de l’explorer chaque jour à travers des témoignages, des interviews, des anecdotes, des jeux, des reportages ou des portraits. Parce que la Coupe du monde, c’est bien plus que juste du foot

 

>> Aujourd’hui : Comment le fiasco de Knysna a volé mon deuil

« Ma mère a reçu un appel vers minuit, on lui a dit que Steeve était touché et qu’il était décédé. Elle n’a pas voulu me le dire tout de suite mais j’avais compris. On m’a annoncé sa mort le lendemain matin et on m’a emmené chez ma tante. On regardait les infos tout le temps et y’avait rien sur Steeve. Juste le bandeau BFMTV : « Un soldat français tué en Afghanistan ». Ils diffusaient l’édition spéciale sur les joueurs de l’équipe de France en Afrique du Sud, ils parlaient de rien d’autre, ils parlaient que de ça ».

Soukeyna a 10 ans. Ce samedi 19 juin 2010, L’Equipe affiche sur sa une – désormais célèbre – les mots violents, attribués à Nicolas Anelka. L’essoreuse médiatique s’empare de ce qui va devenir une affaire d’État. La fillette, elle, vit un autre bouleversement. A des milliers de kilomètres de l’hôtel luxueux de Knysna où résident les Bleus pendant cette Coupe du monde, le compagnon de sa mère qui partage leur vie depuis un an et demi, devient le 44e soldat français tué en Afghanistan. Brigadier-chef du Ier régiment de hussards parachutistes de Tarbes, Steeve Cocol a été victime la veille d’un tir d’artillerie des Talibans. Il n’y aura ni hommage national aux Invalides retransmis en direct, ni parade politique. Le foot a tout aspiré.

 

La presse du monde entier avait relaté la

La presse du monde entier avait relaté la – FRANCK FIFE / AFP

 

« Je n’aurai pas supporté de croiser son image à la télé »

A 29 ans, le Guadeloupéen terminait sa 3e Opération extérieure, la 2nde en Afghanistan. Il ne lui restait que quinze jours de mission avant de rentrer à Tarbes. « Je l’ai eu au téléphone le matin même mais la liaison était mauvaise, il ne m’entendait pas. Il m’a envoyé un message un peu plus tard pour me dire qu’il rentrait bientôt », retrace Geneviève, la compagne du soldat, dans un filet de voix. « Tous les camarades de Steeve étaient rentrés à l’intérieur quand le tir a visé le poste de combat. Il a été grièvement touché et immédiatement transporté par hélicoptère en direction de Kaboul. Mais il n’a pas survécu, relate Alain, l’un des oncles du soldat. On m’a annoncé sa mort le 19 juin au petit matin. »

 

 

A la Fédération, le scandale enfle. Jean-Pierre Escalettes, président de la FFF officialise l’exclusion de l’attaquant. Le lendemain, l’image du bus dans lequel se sont retranchés ses coéquipiers tourne en boucle sur les chaînes d’info. La grève de Knysna sidère les Français et inspire la classe politique. Geneviève, elle, se souvient de l’épisode par bribes : « La souffrance provoquée par son décès m’a totalement coupée du reste. Mais je me rappelle d’un sentiment très contradictoire. Ça me faisait mal qu’on ne parle pas de lui et en même temps, je crois que je n’aurai pas supporté de tomber sur son image dès que j’allumais la télé. »

« Une semaine plus tard, on n’en parlait plus »

Le décalage entre le feuilleton pathétique des Bleus et le sacrifice de Steeve Cocol paraît insupportable. Stéphane Rouffet, brigadier-chef au 35e Régiment d’artillerie parachutiste dans la même garnison que Steeve à Tarbes et blessé en 2008 en Afghanistan, est alors l’un des rares à prendre la parole publiquement. Aujourd’hui encore : « Le tapage médiatique sur Knysna a complètement rayé l’action menée par Steeve sur le terrain. J’étais en colère, tous les projecteurs étaient tournés vers les chamailleries des joueurs. Ils ne se rendaient pas compte du mal qu’ils faisaient et de l’image de la France qu’ils portaient. Toutes les équipes nationales ont un rôle capital en la matière. On n’a pas le droit de faire ça. »

 

Il ne restait plus que quinze jours de mission à Steeve avant de rentrer à Tarbes.

Il ne restait plus que quinze jours de mission à Steeve avant de rentrer à Tarbes. – SIRPA / AFP

 

Luc, l’un des oncles de celui qu’il surnomme affectueusement « Titi », dénonce le « manque de considération » pour le soldat. « C’est pas le foot et la place donnée au foot qui nous a gênés. On est plutôt footeux dans la famille en plus. Mais c’est l’événement en lui-même et l’ampleur que ça a pris. La grève a tout balayé, y compris la mort de Steeve », regrette-t-il. Alain, l’autre « tonton », a gardé les rares coupures de presse qui ont relayé l’information : « Après ses obsèques organisées en Guadeloupe, on a compté deux articles dans des journaux locaux aux Antilles. En métropole, il n’y a quasiment rien eu. » « Le 26 juin, plus personne ne parlait de Steeve », souffle Geneviève.

« Steeve portait le drapeau très haut »

La collision entre les deux événements n’a pas touché que la famille. « Certains camarades de Steeve ont quitté l’armée à leur retour en France, parce qu’ils ont eu le sentiment que tout ce cinéma sur Knysna avait pris le pas sur les actes de courage et les sacrifices des soldats. Le fait de passer sous silence un décès en opération amplifie la souffrance et augmente le besoin de reconnaissance », avance Stéphane Rouffet.

Décoré à titre posthume de la légion d’honneur lors d’une cérémonie organisée à Tarbes, Steeve n’a pas eu droit à l’ultime respect rendu habituellement aux militaires dans la vaste cour des Invalides. Son oncle, Alain Cocol ne comprend toujours pas pourquoi : « On a l’impression qu’on a banalisé la mort d’un soldat français ». Son frère cadet, Luc, dresse un parallèle cruel : « Pendant que les médias ne parlaient que du fameux problème Anelka et que ses copains refusaient de jouer, Steeve, lui, portait le drapeau très haut. »

 

Ses proches le savent, ils ont perdu la bataille des images. Mais le souvenir de « Titi », « éternel chambreur », « fou de corde à sauter artistique », « idolâtré par les gamins du quartier » subsiste toujours huit ans après. A 18 ans, la lycéenne a retrouvé sur YouTube un reportage tourné en 2008 dans lequel on aperçoit Steeve : « Je la regarde souvent, ça me fait du bien de l’entendre et de le voir. »

En Guadeloupe, une rue et un bâtiment militaire portent désormais le nom de Steeve Cocol. C’est pas les Invalides, mais c’est déjà ça. « On demande pas grand-chose, clôt Luc. Juste de dire qu’il est pas mort pour rien. »

 

Source : 20 Minutes

Lire également : La Dépêche du 24 juin 2010 – Tarbes. « Steeve Cocol, tué en Afghanistan, était un p’tit gars de Bigeard »

 

bandeau-Asso-APG-1024x91Merci au journal 20 Minutes de nous rappeler à ce triste évènement et rendons à Steeve Cocol, soldat mort pour la France, les honneurs que nous lui devons et qui valent bien plus qu’un match de football !

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