Incident au tribunal de Bordeaux : excédé par la grève des avocats, un juge pète les plombs

Ce jeudi 6 février 2020, un juge du tribunal de Bordeaux (Gironde) n’a pas laissé les avocats s’exprimer dans une affaire d’escroquerie et a menacé de les expulser par la force.

84332725-288981705395353-9169418911085494272-n-854x569La grève des avocats tend certains juges à Bordeaux. (©Avocats du barreau de Bordeaux)

Ce jeudi matin, une affaire d’escroquerie avec plus de deux millions d’euros de préjudice pour les victimes a dégénéré au tribunal correctionnel de Bordeaux (Gironde).

Une circulaire du ministère de la justice

Excédé par la grève des avocats, reconduite jusqu’au 11 février 2020 – ce qui provoque des renvois en pagaille – le président de la cour est arrivé devant l’audience bien décidé à mener le procès du jour jusqu’au bout. Coûte que coûte.

Il faut dire qu’une circulaire du ministère de la justice, envoyée à tous les juges, leur recommande expressément de refuser toute demande de renvoi tant la juridiction est surchargée et les délais de jugement dépassent l’entendement.

À Bordeaux, on parle d’un an environ pour la chambre des appels correctionnels et la maison d’arrêt de Gradignan est pleine à craquer, remplie à 150% de sa capacité, avec une ribambelle de détenus qui attendent de passer devant le tribunal.

Une lourde amende pour la France ?

D’ailleurs, la France encourt une amende considérable de plusieurs millions d’euros, par la cour européenne des droits de l’Homme, pour ces délais à rallonge. Ce qui explique cette pression mise sur les juges et qui contribue au climat tendu avec les avocats.

Bref, les deux prévenus n’étaient pas présents pour leur procès ce jeudi. Le premier était représenté par son avocate, le deuxième – une femme – a réclamé la désignation d’un avocat mais n’en a pas obtenu, en raison de la grève.

L’avocate de la défense a réclamé un renvoi parce qu’elle a reçu de nouveaux éléments du dossier la veille au soir, notamment le montant des dommages et intérêts, qu’elle n’a pas eu le temps d’étudier suffisamment. Refus du juge.

14 avocats pour une seule prévenue

Informés de la situation, des avocats grévistes débarquent dans la salle et se proposent de représenter la femme prévenue. Quatorze robes noires demandent à être ajoutées au dossier.

C’est le principe de la grève de zèle et de masse : plutôt que d’abandonner les prétoires, les avocats plaident en nombre et longuement afin d’assurer une défense béton à chaque justiciable et contrer les réquisitions du ministère public.

Jusqu’à une quarantaine d’avocats, dans certaines affaires, viennent en renfort ce qui impose un délai pour avoir accès au dossier et provoque, par conséquent, un renvoi pour laisser du temps aux robes noires de travailler.

Le juge menace d’avoir recours à la police

Bien décidé à régler les affaires courantes, le juge s’est emporté. Il a haussé la voix. S’en est suivie une joute verbale avec les avocats et le président de la cour a menacé de faire sortir par la force publique les magistrats chargés de la défense.

Il n’y a finalement pas eu d’escorte policière. L’audience étant publique, les avocats avaient parfaitement le droit d’y assister de toute façon.

Mais le juge, qui exerce au tribunal de Bordeaux depuis août 2016 et qui a démarré en 1993, a poursuivi le procès sans donner la parole à la défense ou aux victimes, refusant tout débat. Les interventions d’un ancien Bâtonnier et du Bâtonnier actuel n’y feront rien.

« Il a bafoué la justice »

« Il a bafoué la justice, critique une des quatorze avocates de la défense. Il n’a pas respecté les droits fondamentaux d’un procès équitable et a totalement ignoré les droits de la défense. »

Il a décidé de clôturer le dossier et de tenir le procès tout seul, sans respecter le droit français et la convention européenne des droits de l’Homme. C’est du jamais vu !

Le président du tribunal a fixé le délibéré au 16 mars, avant de « partir avec pertes et fracas ». « On n’a pas eu le droit de plaider ou d’avoir accès au dossier, poursuit l’avocate, ahurie. Il a complètement refusé le débat, niant même aux victimes le droit de s’exprimer. »

Les quatorze avocats ont déjà prévu de faire appel de sa décision

Source : Actu.fr

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