Face à la « haine anti-flics », la colère et la peur des compagnes

Face à la "haine anti-flics", la colère et la peur des compagnes
Face à la « haine anti-flics », la colère et la peur des compagnes © AFP/Archives / Thomas Samson

« Ils n’ont pas signé pour se faire cramer », ni subir la « haine anti-flics », les locaux insalubres… : « en colère » les femmes de policiers et gendarmes veulent porter la voix de leurs « hommes », soumis au devoir de réserve.

Elles en ont « ras le bol » des images d’un CRS en flammes comme le 1er mai, d’une voiture de police qui brûle quai de Valmy à Paris en période de manifestations contre la loi travail.

Le jugement pour les neuf prévenus dans cette affaire, où deux policiers avaient été agressés, sera rendue mercredi. Elles l’attendent avec impatience, mais sans illusion.

Juliette (prénom modifié), 23 ans, femme d’un gendarme mobile, veut des peines « pour l’exemple ». « Sinon on sera beaucoup dans la rue », promet-elle.

Elles dénoncent « impunité », « justice laxiste » pour ceux qui « n’hésitent plus à balancer des cocktails Molotov » sur les policiers et gendarmes pendant qu’elles sont « à la maison », à regarder « un CRS qui crame à la télé ».

C’est l’affaire Théo, victime d’un viol présumé lors d’un interpellation violente à Aulnay-sous-Bois en février, qui pousse Aurélie Laroussie, femme de CRS, à lancer le mouvement « Femmes des forces de l’ordre en colère », qui compte aujourd’hui près de 11.000 membres sur un groupe privé Facebook.

Amère, elle se souvient de « l’absence de présomption d’innocence », « l’amalgame +tous les policiers sont des violeurs+ », et puis la déception et la colère de voir François Hollande « se ruer » au chevet « d’un délinquant » alors qu’il n’était pas allé à celui des policiers grièvement blessés par des cocktails Molotov dans leurs voitures à Viry-Châtillon.

L’attaque, en octobre 2016, avait déclenché une fronde inédite des policiers, « pas écoutés » par leur hiérarchie et les autorités selon leurs compagnes. « Il y a eu des mutations, des mises au placard. Alors que nous, ils ne peuvent pas nous faire taire », dit Aurélie Laroussie. En avril et en septembre, elles ont été près de 200 à manifester pour demander « un peu d’amour » pour les forces de l’ordre.

Le temps des ovations après l’attentat de Charlie Hebdo est loin. « Policier, c’est devenu un gros mot », déplore Céline, 35 ans, pour qui le « respect de l’uniforme » a disparu, parfois même chez « des gamins de 13 ans ».

« Femme de flic » aujourd’hui, dit Karine, fille de gendarme qui a « vu la situation se dégrader », c’est retrouver le soir des compagnons « plus qu’usés » par les agressions et tensions quotidiennes, qui ont « du mal à sourire ».

Aurélie Laroussie parle de celles qui n’osent pas étendre de linge siglé « police » dans leurs jardins, des menaces sur les familles. « Mon mari est fils de CRS, il me dit +quand j’étais petit, j’étais fier de dire que mon papa était policier+ ». Aujourd’hui, elles sont nombreuses à demander à leurs enfants de dire simplement que leur père est fonctionnaire.

Reconnaissance posthume

Avec la multiplication des attaques jihadistes contre les forces de l’ordre comme à Magnanville ou sur les Champs-Elysées, il y a aussi « la peur qu’il ne rentre pas ce soir », dit Juliette.

« Leurs vies ne tiennent qu’à un fil et à côté de ça, aucune reconnaissance, sauf à titre posthume », s’énerve-t-elle.

Dans la caserne de Satory (Yvelines) où elle vit avec son mari et son fils, elle est « devenue parano »: « Il n’y a aucun contrôle, aucune sécurité ». Comme d’autres, elle a préféré mettre son fils dans le privé plutôt qu’à l’école de la caserne par crainte d’une attaque terroriste.

Ce sont aussi les conditions de travail que ces femmes veulent dénoncer. Les gilets pare-balles « périmés », les voitures délabrées, les rats dans des commissariats mal chauffés, le papier toilette qu’il faut amener de la maison, énumère Karine.

En découvrant son logement « datant de 1930, jamais mis aux normes », Juliette s’est « mise à pleurer ». « On nous dit qu’on a la chance d’avoir un logement de fonction, on préfèrerait payer pour un logement un peu plus salubre ».

Comme Juliette, elles sont beaucoup à espérer qu' »en parlant » les choses changeront. Mais aussi, dit-elle, en travaillant à convaincre la « nouvelle génération » de forces de l’ordre de s’exprimer, eux qui ont toujours appris « à subir » en silence.

Source : Le Point

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