EXCLUSIF – Affaire Théo L. : la vidéo de son interpellation (Plus récapitulatif de Profession-Gendarme)

Un an après les faits, Europe 1 révèle comment Théo L. a été arrêté et blessé par la police à Aulnay-sous-Bois. Un document inédit et éclairant sur cette affaire.

 

EXCLUSIFC’est la pièce centrale de ce dossier, la preuve de ce qui est réellement arrivé à Théo L. le 2 février 2017. Europe 1 dévoile les images enregistrées par les caméras de vidéosurveillance de la ville d’Aulnay-sous-Bois. Elles ont été analysées par les enquêteurs de l’Inspection générale de la police (IGPN) puis versées dans la procédure judiciaire. Elles permettent de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé.Un coup furtif. L’enregistrement témoigne d’abord de la grande confusion lors de ce contrôle d’identité qui dégénère. Les quatre fonctionnaires de la brigade spécialisée de terrain (BST) d’Aulnay ne semblent pas maîtriser la situation. La vidéo montre leurs coups portés à Théo L., qui se débat vigoureusement, leur grande difficulté à le menotter et le coup de bâton télescopique qui a provoqué la très grave blessure du jeune homme. Un geste très bref, extrêmement rapide, comme une estocade. Aussitôt, Théo L. se retourne et s’effondre de douleur, son caleçon toujours en place, transpercé par la matraque, selon les constatations des enquêteurs.Le pantalon baissé. Sur la vidéo, il apparaît clairement que, dans l’échauffourée, Théo L. perd sa veste de survêtement et son bas de jogging lui tombe sur les cuisses, laissant voir son caleçon. Quelques jours après les faits, le jeune homme déclarait à propos du policier qui l’a blessé : « Il baisse mon pantalon et il enfonce la matraque dans mes fesses ». Les fonctionnaires poursuivis ont toujours contesté avoir baissé le bas de jogging de la victime. Les images permettent de confirmer leur version. Confronté à la vidéo par la juge d’instruction, Théo L. a fait évoluer son récit. Il reconnaît désormais que son pantalon de survêtement trop grand était mal attaché et qu’il a glissé tout seul, souligne Le Parisien.

Acte de torture. En revanche, le jeune homme maintient dans différentes interviews que le policier lui a « volontairement » enfoncé la matraque dans les fesses. Il dénonce même un « acte de torture ». Le policier auteur du coup de matraque a lui aussi été confronté à la vidéo dans le bureau de la juge d’instruction. Il reconnaît le geste mais nie toute intention volontaire de pénétration.

« Proportionnelle » et « justifiée ». Pour les besoins de l’enquête, la vidéo a également été soumise à l’expertise de deux formateurs de la police, spécialistes en maniement du bâton télescopique de défense. Ils estiment que l’action peut s’expliquer par « la volonté du policier d’exercer un point de pression au niveau des parties charnues des fesses », geste préconisé « pour créer une déstabilisation physique et maîtriser le récalcitrant ». Selon eux, cette action semble « proportionnelle » et « justifiée ». L’un des instructeurs conclut que le gardien de la paix « n’avait ni la capacité, ni l’intention de percuter une zone aussi précise que l’anus ».

Dans le rapport de l’IGPN qu’Europe 1 a pu consulter, les enquêteurs estiment sur ce point que « si le geste du gardien de la paix (est) à l’origine de la blessure » de Théo L. à l’anus, « l’élément intentionnel pouvant caractériser le viol (n’est) pas établi ».

Une confrontation à venir. Depuis un an, les quatre policiers de la BST impliqués sont mis en examen : trois sont poursuivis pour violences volontaires aggravées, le 4ème pour viol aggravé. Celui-ci est toujours suspendu. Une confrontation générale devrait avoir lieu dans les prochaines semaines dans le bureau de la juge d’instruction à Bobigny. Plusieurs expertises doivent également être rendues, dont une sur le geste du policier et une autre, médicale, sur l’étendue des séquelles pour Théo L., qui pourrait rester blessé à vie.

Source : Europe 1

bandeau Asso APGPour rappel Théo livre sa version, détaillée, de cette interpellation filmée par la vidéosurveillance de la police municipale et des témoins.

« Je me mets contre le mur, tranquillement, et là un des policiers vient et m’assène un coup ». « J’étais de trois-quarts, je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Je l’ai vu avec sa matraque : il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force, on dirait que mon corps m’avait laissé », décrit-il.

 

Sauf erreur ou omission de notre part, en 2017 Profession Gendarme avait publié 15 articles concernant l’affaire Théo LUHAKA.

Nous les avons rassemblé  ici pour vous afin de vous remémorer l’ensemble de ce qui a été écrit sur ce fait divers qui, un an après,  est entré dans les annales (sic).

Le journaliste Jean-Marie Godard, auteur de Paroles de flics (Fayard), raconte l’exaspération des policiers soumis à l’injonction permanente d’éviter les «bavures» alors même que plane sur eux une présomption permanente de culpabilité. Pour beaucoup d’entre eux, la pression devient insoutenable. 

Retrouvez cet entretien à la fin de notre publication.

19.02.2017 : Théo : quand soudain, la version du policier est jugée crédible…

20.02.2017 : Affaire Théo : les caméras de surveillance semblent confirmer la version d’un des policiers

24.02.2017 : EXCLUSIF. La famille de Théo au cœur d’une enquête financière

25.02.2017 : Affaire Théo : pour l’IGPN, « l’interpellation était légitime »

28.02.2017 : Syndicat France Police : Communiqué / Affaire Théo

03.03.2017 : Ce que disent le rapport de l’IGPN et les témoignages sur l’affaire Théo

03.03.2017 : Théo Luhaka a bien frappé en premier les policiers pour aider un dealer de drogue (Conclusions de l’IGPN)

06.03.2017 :  Info ou intox ? L’étrange PV de l’affaire Théo

09.03.2017 : Théo avait-il caché dans son anus un tube de verre contenant de la drogue ?

15.03.2017. : On sait maintenant le fond de l’affaire Théo, et ce n’est pas très frais

22.03.2017 : Theo Luhaka reconnaît devant un juge qu’il a menti

27.03.2017 : Affaire Théo : quel dommage que le ridicule ne tue point !

27.03.2017 : C’est confirmé : L’escroc et mythomane Théo Luhaka est bien membre de la famille d’un ministre congolais

02.04.2017 : Affaire Theo Luhaka : un matraquage médiatique qui restera dans les annales

29.04.2017 : Aulnay-sous-Bois : de nouveaux soupçons d’escroquerie sur les proches de Théo

« La visite de François Hollande au chevet de Théo a été une gifle pour les policiers »

FIGAROVOX.- De nouvelles images de vidéosurveillance révélées dans «l’affaire Théo» montrent que le jeune homme a fait preuve de violence lors de son interpellation. Comment a été vécue cette affaire dans le milieu policier?

Jean-Marie GODARD.- Les policiers sur le terrain étaient les premiers à considérer que s’il y avait eu un geste impardonnable, le coupable devait être sanctionné. Le réflexe n’a pas été de couvrir leurs collègues. En revanche, ils ont été ulcérés par la présomption de culpabilité systématique qui pèse sur eux dans ce genre d’affaires. La mise en cause de l’ensemble de l’institution dans des tribunes signées par des personnalités de premier plan les a profondément blessés. Un officier m’a dit «s’il y a un non-lieu, vous croyez que ces gens vont s’excuser?» Le geste de François Hollande, qui est allé au chevet de Théo sans qu’aucune preuve n’ait été faite de la culpabilité des policiers, a été une véritable gifle pour les policiers. L’enquête commençait à peine, on était en pleine séquence électorale, et le pouvoir a voulu calmer les émeutes. Ce jeu de billard à trois bandes a été très mal pris. C’est d’ailleurs ce qui a provoqué la naissance du collectif «femmes de policiers en colère»

«La moindre erreur est interdite. Ils se sentent sous pression permanente», écrivez-vous. Comment se manifeste cette pression?

Beaucoup de jeunes policiers ne veulent plus faire de voie publique, ils ont peur d’être piégés. Avec les smartphones et les réseaux sociaux, ils sont filmés en permanence. Leurs visages sont rendus publics sur internet, ils sont obligés de se voiler le visage en manif. La moindre image de violence est décontextualisée. On oublie que le principe même de la police, c’est l’usage de la force dans un cadre précis. Alors oui, quand un type ne veut pas se laisser arrêter, l’intervention peut être musclée.

Beaucoup de jeunes policiers ont peur d’être piégés.

Ils ont en tête qu’ils sont des cibles, non seulement pour les terroristes, mais aussi pour des groupes radicaux qui leur vouent une haine sans pitié.

Comment ont réagi les policiers à la tribune de l’écrivain Yann Moix affirmant que l’État mettait en œuvre un véritable «protocole de la bavure» à Calais?

Ils sont évidemment très remontés. Encore une fois, ils ont le sentiment que les intellos parisiens leur donnent des leçons, sans connaître l’incroyable complexité du terrain. Calais, c’est littéralement «mission impossible» pour les policiers. L’État a tout supprimé. Il n’y a plus d’interlocuteurs, plus de structures, rien qu’une chasse à l’homme. Les CRS sont livrés à eux-mêmes sur le terrain. Pour beaucoup d’entre eux, c’est une punition d’aller là-bas. Certains m’ont dit qu’ils multiplient les incidents, frôlent la ligne rouge pour faire renvoyer leurs compagnies. Il y a un énorme problème d’organisation.

Régulièrement sont dénoncés des excès dans l’emploi de la force et des violences policières, notamment envers des personnes issues de l’immigration et dans les manifestations. Les policiers que vous avez interrogés en ont-ils conscience?

Bien sûr qu’ils ont conscience des excès. Il n’y a pas de soutien inconditionnel, de corporatisme. Les policiers que j’ai interrogés me disent qu’ils ont vu des bavures occasionnées par des policiers à bout de nerfs ou surmenés. Moi-même, je l’ai expérimenté. Au moment de la loi Travail, j’ai couvert les manifestations. À Nation, je me suis pris des coups de tonfa par des CRS à bout de nerfs, qui avaient passé la journée à recevoir des insultes et à être couverts de peinture. Je ne suis pas aller pleurnicher sur les réseaux sociaux en affirmant que la liberté de la presse était en danger. J’ai voulu essayer de passer de l’autre côté, et comprendre pourquoi des policiers pouvaient en arriver à des bavures.

Les relations avec les jeunes des cités se sont-elles dégradées?

Les policiers sont dans la justification permanente du moindre geste.

J’ai le sentiment que c’est aussi une question de génération. Les policiers mis en cause dans l’affaire Théo ont tous moins de trente ans. On envoie dans les cités des jeunes qui sortent à peine de l’école de police. Ça se passe beaucoup mieux avec des policiers plus aguerris, qui ont de la bouteille. Eux jouent quasiment un rôle d’éducateurs. Ils donnent leur portable de service aux jeunes, les préviennent et les accompagnent.

Que pensent-ils de la proposition d’instaurer un récépissé de contrôle d’identité pour lutter contre le contrôle au faciès?

Ils prennent ça comme un signe de défiance supplémentaire à leur égard. Ils me disent qu’ils sont assermentés, qu’ils n’ont pas de raison de mentir. Dans les années 1990, il y avait des interrogatoires à la gifle dans certains commissariats. On est passé à l’excès inverse. Il y a une bureaucratisation inouïe des procédures. Les policiers sont dans la justification permanente du moindre geste.

Est-ce que le manque de moyens est le principal problème?

Le problème principal, c’est de redonner un sens à leur mission. Les jeunes policiers sont souvent assez diplômés et ont un esprit critique sur leur métier. Ils n’obéissent pas au doigt et à l’œil, mais veulent comprendre pourquoi ils sont là et quel est le sens des ordres qu’on leur donne. Il y a chez eux un très fort désir de justice. Ils ont l’impression que l’institution est dans la réaction, jamais dans l’anticipation. «Pourvu qu’il ne se passe rien»: telle est la logique, jusqu’au plus haut sommet de l’état. Il n’y a pas assez d’écoute de l’expérience du terrain. De l’autre côté, il y a une défiance, et presque un découragement. Pour la création de la Police de Sécurité Quotidienne (PSQ) proposée par Macron, le gouvernement a envoyé un questionnaire à chaque policier: seuls 25 % ont pris la peine de répondre. Après l’affaire de Champigny, un haut gradé m’a dit «un jour, quelqu’un sortira son flingue, pour une bonne raison, et il y aura une semaine d’émeutes. Ce jour-là on verra quel parti prendra le gouvernement».

Source : FIGAROVOX

 

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