Disparition de Maëlys : comment les plongeurs de la gendarmerie mènent leurs opérations de recherches

Des plongeurs de la brigade nautique d’Aix-les-Bains et de la brigade fluviale de Valence ont sondé ces derniers jours un lac, une rivière et des gorges pour tenter de retrouver la petite fille disparue dans la nuit du 26 août au 27 août. Franceinfo vous explique leur travail.

Des gendarmes recherchent la petite Maëlys dans un étang près de Pont-de-Beauvoisin (Savoie), le 30 août 2017.
Des gendarmes recherchent la petite Maëlys dans un étang près de Pont-de-Beauvoisin (Savoie), le 30 août 2017. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)
Ils sont 225 sur un contingent d’environ 100 000 personnes. Les hommes-grenouille de la gendarmerie ne sont qu’une poignée, mais ils sont en première ligne dans l’enquête sur la disparition de Maëlys. La fillette âgée de 9 ans a été vue pour la dernière fois à 3 heures du matin, dans la nuit du 26 au 27 août, lors d’un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère). Une semaine plus tard, un homme de 34 ans a été mis en examen pour enlèvement et placé en détention. Mais la petite fille, elle, reste introuvable.

Dès le dimanche, la zone de sa disparition est ratissée. Les recherches ne sont pas menées uniquement sur la terre ferme, car les plans d’eau sont nombreux dans la région. Des plongeurs sont sollicités. Ils viennent d’Aix-les-Bains (Savoie) et de Valence (Drôme), car la disparition de Maëlys a eu lieu dans la zone Sud-Est. La France compte 25 unités en métropole et sept en Outre-Mer.

  

(GENDARMERIE NATIONALE)« C’est une ressource assez rare » dans le secteur, selon les mots de Jean Pertué, commandant de la brigade de gendarmerie de la Tour du Pin (Isère). Car tout le monde ne peut prétendre à une telle carrière. « On ne peut pas intégrer la gendarmerie directement comme plongeur. Il faut avoir servi comme gendarme pendant plusieurs années et faire ensuite le choix de se spécialiser. Il faut une bonne condition physique au départ et la conserver. Le suivi médical est annuel », explique Fabien Basquin, commandant du Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie (CNING) d’Antibes, contacté par franceinfo.

« On lève le doute au fur et à mesure »

A Pont-de-Beauvoisin, la brigade nautique d’Aix-les-Bains a d’abord sondé la rivière Guiers. Puis, mercredi 30 août, une équipe de six plongeurs a exploré les étangs alentour. « Les enquêteurs subaquatiques plongent toujours au minimum par deux. Une seule exception : si l’accès est réduit à une personne, dans un puits par exemple. Ils peuvent aussi plonger par trois, voire quatre », précise le commandant du CNING.

Une fois leurs combinaisons enfilées et leur matériel accroché sur le dos, les plongeurs peuvent procéder différemment. « Les méthodes dépendent de l’objet et de sa taille. Ce n’est pas pareil de chercher une douille de fusil ou une voiture. Si c’est un corps, c’est encore différent », répond Fabien Basquin.

Cela dépend aussi des contraintes liées au lieu : en Méditerranée, par exemple, il y a une bonne visibilité. En revanche, dans les eaux intérieures, comme un lac, un canal ou une rivière, elle est mauvaise. Il faut aussi prendre en compte les problématiques de courant : c’est très difficile de trouver un axe de recherche quand il y en a.

Fabien Basquinà franceinfo

Les enquêteurs subaquatiques commencent par sonder les berges. « Ils sont formés pour chercher le long d’une corde : c’est ce qu’on appelle la recherche linéaire. Elle est plus adaptée quand il n’y a pas beaucoup de courant », explique Fabien Basquin. Pour quadriller les recherches au large, une autre méthode existe : la recherche circulaire. « On immerge un poids d’une vingtaine de kilos, puis on s’écarte du point fixe et on cherche du plus près du poids au plus loin, en formant un cercle », décrit le commandant. « C’est ce qu’on appelle les recherches humaines, celles que l’on fait le plus communément. On lève le doute au fur et à mesure. » Jusqu’à ce que les enquêteurs prennent la décision de chercher ailleurs.

Des recherches dans des conditions compliquées

Du travail de fourmi : dans l’enquête sur la disparition de Maëlys, les plongeurs ont sondé les plans d’eaux les uns après les autres. « Etangs, rivières, berges… Toutes les zones humides, très nombreuses, sont passées au crible. Nous ne négligeons aucun secteur, aucune piste. Pour l’heure, nous avons exploré une bonne dizaine de plans d’eau. Et il nous en reste encore à fouiller », énumérait l’adjudant-chef Ludovic Wojcik, responsable de la brigade nautique aixoise, dans Le Dauphiné libéré, mardi 5 septembre.

Le lendemain, les plongeurs se sont attelés au lac d’Aiguebelette, plan d’eau de 5 km2 situé autour de la commune de Lépin-le-Lac, entre Lyon et Chambéry. Le principal suspect de l’affaire avait l’habitude de promener ses chiens sur les rives. Les enquêteurs subaquatiques y ont passé plusieurs heures. « Ces recherches prennent du temps. Dans un lac, avec des souches d’arbres, cela peut être très compliqué », commente Fabien Basquin.

 

Autre élément qui complexifie la tâche des plongeurs : la profondeur. Par endroits, le lac d’Aiguebelette atteint 70 m de profondeur. Or, les plongeurs sont limités par le temps à partir d’une certaine profondeur. Jusqu’à 12 m, ils peuvent passer 2h15 par plongée. Plus ils descendent, plus c’est dégressif : à 35 mètres de profondeur, ils ne restent pas plus de 10 minutes par plongée. La plupart d’entre eux ne vont pas plus bas et sont autorisés à faire deux plongées par jour. Sur les 225 plongeurs de la gendarmerie, seuls 54 sont habilités à descendre jusqu’à 50 m, dont 14 issus de l’unité de Fabien Basquin et 40 du GIGN. Dans ce cas, la présence d’un infirmier est indispensable.

Du matériel high-tech pour les aider

Après le lac dans la matinée du mercredi 6 septembre, les plongeurs ont poursuivi leurs recherches dans les gorges de Chailles, près de la commune de Saint-Béron, au sud de Pont-de-Beauvoisin. Ce canyon est parcouru par le Guiers et marque la frontière entre l’Isère et la Savoie. Pour le sonder, ils ont bénéficié de l’aide de membres du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM), qui ont exploré ses pentes en rappel, comme l’explique France 3 Alpes, vendredi 8 septembre.

 

En revanche, si la zone est large à couvrir, les plongeurs font appel à des moyens techniques. Dans l’affaire Maëlys, ils se réservaient la possibilité d’utiliser un sonar. « En Rhône-Alpes, nous n’en possédons pas. Nous avons l’habitude de faire appel à celui de la Suisse. Cela pourrait être le cas cette fois », affirme une source proche de l’enquête à franceinfo.

« Souvent les enquêteurs subaquatiques utilisent un robot sous-marin baptisé ROV, pour Remote operativ vehicule. C’est comme un drone, mais il peut aller sous l’eau pour prendre des photos », précise Fabien Basquin. D’autres moyens techniques sont à leur disposition. « Par exemple, l’aspirateur sous-marin est employé pour refouler du limon », cite le commandant.

Préserver la scène de crime (même sous l’eau)

Chaque année, 20 gendarmes suivent une formation initiale de six semaines, au terme desquelles ils sont affectés en unité. Après un an et demi de pratique et un minimum de 100 plongées, ils suivent à nouveau six semaines de formation et obtiennent cette fois la qualification de technicien en identification subaquatique (TIS). « La gestion d’une scène de crime constitue une partie importante de la formation », confirme Fabien Basquin. Les plongeurs apprennent à procéder à un gel des lieux, c’est-à-dire à photographier, à prélever et à remonter à la surface les objets trouvés de manière à ce qu’ils puissent être examinés et conditionnés.

« L’objet doit être préservé en l’état pour qu’on puisse effectuer des analyses ADN par exemple, détaille le commandant d’Antibes. Si le plongeur trouve une arme, il ne va pas la prendre par la crosse. Il va la prélever avec l’eau et les éléments dans laquelle elle se trouvait. » Il faut que « les enquêteurs puissent, sans avoir vu la scène, avoir le maximum d’éléments qui permettront de définir s’il s’agit d’un accident, suicide ou meurtre », témoigne Sébastien, plongeur à la brigade fluviale d’Aix-les-Bains, sur le site du ministère de l’Intérieur.

De la difficulté de trouver un corps

L’objectif est le même quand il s’agit d’une personne disparue comme la petite Maëlys. « C’est particulier, mais quand on recherche une personne, on sait que l’on va trouver un corps, explique Sébastien. Donc on est préparé mentalement, on n’est pas surpris. Ensuite, pour les constatations, on fait abstraction du corps pour travailler sur une matière. C’est ultérieurement qu’on y repense. »

« Les corps se conservent plus ou moins bien en fonction du temps », souligne Fabien Basquin. Désormais, pour aider les gendarmes dans ces enquêtes sensibles, des psychologues interviennent en formation pour parler de la confrontation à la mort, et quinze régions disposent d’un réseau d’écoute avec des psychologues-cliniciennes, précise le commandant. Et d’ajouter : « Ce type d’intervention est difficile mais fait partie du métier. »

Source : France TV Info

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