Coronavirus : On est un peu les soldats inconnus de cette guerre

Jennifer Pellé sera l’invitée de Putsch Live jeudi 30 avril à 17H30 ! Jennifer Pellé est infirmière libérale. Elle a tourné une vidéo dans l’espoir de faire passer un message à Emmanuel Macron où elle fustige les moyens et l’abandon du personnel soignant dont les infirmières libérales face à la crise sanitaire du Covid19 – Source : Putsch Media

vignette3-4708040

 

Ils sont les « héros en blouse blanche » dans la guerre contre le Coronavirus. Chaque jour, nous recueillons la paroles des soignants. Qu’ils/elles soient infirmier-ères, médecins, aide-soignant(e)s, internes, assistant(e) de soins hospitaliers, aides à domiciles, (…),  aucun n’aurait pensé un jour traverser une telle crise sanitaire. Jour après jour, découvrez leurs témoignages. Plongez au coeur de leur quotidien.

Jour 22 • Lundi 6 avril 2020

Louise*, infirmière aux urgences de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire

Ces derniers jours, on a eu beaucoup de dépistages de soignants. Nos collègues. Ceux qui bossent au SSR ou en EHPAD. Ils ont des petits symptômes : la toux, des céphalées. Mais beaucoup des résultats sont revenus positifs.

Et en fait, c’est culpabilisant. Nous aux urgences, on a été protégé. On avait du matériel. Depuis le début. Mais tous nos collègues à qui on pensait pas vraiment, qui étaient aussi en première ligne, ont été contaminés. Et tous ces collègues stressent parce qu’ils ont sûrement contaminés leurs proches, mais aussi leurs patients.

Je me sens hyper privilégiée quand je vois que dans des hôpitaux dans le Grand Est ou en Île-de-France ils travaillent avec des sacs poubelle en guise de blouses. Mais bientôt, ce sera aussi notre tour.

On reçoit des notes de service qui nous disent qu’à la pause clope, on doit avoir 2 mètres entre nous.

Mais il fallait nous équiper avant de nous dire de nous éloigner en fumant.

Et le covid lui, il continue de se diffuser. J’ai vu plein de monde quand je faisais mes courses samedi. Le covid est de plus en plus virulent. On a des patients de 50 ans qui viennent avec des poumons complètement blancs.

Je pense qu’on a pas encore vu tout ce que le virus pouvait faire.

 

Jour 19 • Vendredi 3 avril 2020

Mathilde*,  infirmière aux urgences, dans l’Yonne

Petite frayeur ces derniers jours. J’avais des symptômes du Covid donc j’ai été dépistée. Soulagement, c’était négatif. A ce moment là je me suis dit « pourquoi moi ? » Alors que je prends toutes les précautions. Et ça voulait dire que j’aurais pu contaminer mes collègues, des patients. Pourtant on se protège. Comme il faut ! Est-ce qu’il faut se protéger encore plus ? Les patients qui ne sont pas dépistés, mais qui sont des porteurs sains… on ne sait pas qui ils sont. Est-ce qu’on doit se protéger en permanence ? C’est la question qu’on se pose en ce moment.

Je me suis dit « Pourquoi moi » ?

L’activité est en baisse. Je dirais que c’est plutôt stable depuis quinze jours. Il y a beaucoup moins de passages aux urgences. Mais parfois ça me fait peur tous ces gens qui ne viennent plus parce qu’ils ont « peur de nous déranger« . Sauf que c’est notre travail. S’ils viennent, c’est qu’ils ont besoin de nous. Et on sera toujours là pour eux.

S’ils viennent, c’est qu’ils ont besoin de nous.

On tient à remercier toutes les personnes, toutes les entreprises qui nous fournissent du matériel. Sans elles, on ne pourrait pas travailler. C’est peut-être triste qu’on ne remercie pas le gouvernement. Mais il n’est pas capable de nous aider. Moi, je n’arrive plus à les écouter au gouvernement.
On travaille avec des combinaisons d’entreprises parce que l’Etat, lui, il ne nous aide pas.

Sans elles, on ne pourrait pas travailler.

Jour 18 • Jeudi 2 avril 2020

Charlotte*, infirmière au CHU de Dijon

Ca ne va pas trop mal. On est tous fatigués forcément… Mais on s’attendait à l’être plus que ça.

C’est plutôt calme en ce moment. Les gens vont moins aux urgences. Et j’ai l’impression qu’on a plutôt bien anticipé les choses. L’hôpital s’est organisé et on gère bien. Avec ce qui est arrivé en Italie, dans le Grand-Est ou en Île-de-France, on a le temps d’anticiper les événements et de prévoir le pic. Quand je vais au boulot, j’y vais presque plus sereinement qu’au début. En fait, on sait ce qu’on va trouver. On connait un peu plus le virus aujourd’hui.

Je vais mieux parce que j’ai aussi arrêté de regarder les informations. Quand je rentre chez moi, je déconnecte. Sinon, je suis dans les informations covid en permanence et c’est anxiogène. On en parle beaucoup avec les collègues forcément. Donc les infos, je les ai quand même.

Mais à part que j’ai les mains toutes abîmées, à force de les laver toute la journée, ça va !

Jour 17 • Mercredi 1 avril 2020

Delphine*, infirmière aux urgences de Trevenans, Territoire de Belfort

On a de plus en plus de patients covid mais on a pas forcément d’afflux massif. J’ai indiqué à ma hiérarchie que j’étais disponible en cas de besoin mais les urgences sont plutôt calmes en ce moment. On a eu pas mal de grosses vagues au début, mais aujourd’hui ça va mieux. Je pense qu’on a pas trop mal géré.

Ce qui est paradoxal, c’est qu’on a une baisse d’activité avec les autres autres patients chroniques. Il y a beaucoup de patients en insuffisance cardiaque qu’on ne voit plus. Ca nous inquiète un peu parce que quand ils vont sortir de chez eux, ils risquent d’être dans un état grave de décompensation. Ce lundi, on a eu qu’une dizaine de patients non covid… Et c’est peu.

citation-delphine-4736044

Je ne déconnecte toujours pas. J’ai besoin de savoir ce qu’il se passe en fait, grâce à notre conversation entre collègues. Et puis, je regarde ce qu’il se fait dans d’autres établissements, à Paris par exemple. Je vois plein de protocoles et plein de techniques utilisés ailleurs. Quelque part on a soif d’apprendre…

Je pense qu’aujourd’hui on est plus arrmés qu’au début. On découvre moins la pathologie.

On commence à être rodé. On sait s’organiser et on anticipe mieux.

Julie*, médecin généraliste à Besançon

Je suis un peu en stress. Je trouve qu’on a beaucoup de cas en ce moment. Je me disais qu’en arrivant à 15 jours de confinement, les gens seraient moins malades… Mais c’est la folie. J’ai un patient atteint du Covid mais je comprends pas. Il n’est pas censé être sorti. Une autre patiente, d’une soixantaine d’années qui présente tous les symptômes. Elle n’est pas sortie mais sa fille est rentrée de Paris. Et sa colocataire avait le Covid… Donc elle l’a refilé à sa mèrer.

On en a de plus en plus. J’étais pleine d’espoir hier mais aujourd’hui c’est compliqué. Plein de médecins tombent malade maintenant.

Depuis 15 jours je ne fais que ça. Je dors mal. J’ai mal dans la poitrine. C’est un peu stressant toute cette histoire.

Jour 16 • Mardi 31 mars 2020

Sophie*, infirmière au CHU de Dijon

Je viens d’arriver au CHU. J’arrive dans un contexte particulier. A cause du Covid, certains services ont fermé ou se sont réorganisés. Ce qui est le cas pour le mien. D’habitude, on tourne à flux tendu selon mes collègues… Mais là, c’est assez calme. On a pas de patients Covid parce que toutes les suspcisions sont envoyées directement dans le service en question.

Nos habitudes ont forcément changé un petit peu. Déjà, on porte tous des masques tout le temps. En salle de pause, on ne doit pas être plus de quatre… et en quinconce. Tout ça, c’est un peu bizarre mais je pars du principe que c’est temporaire et que tout finira par rentrer dans l’ordre. L’atmopshère est forcément un peu spéciale mais on essaie tous de relativiser. Nous en tant que soignants, il faut qu’on puisse garder la tête froide et continuer à faire notre travail comme il faut.

L’hôpital ne s’est pas arrêté de tourner. Il y a toujours les autres malades. Il faut qu’on continue de s’en occuper.

Maxime*, infirmier en réanimation au CHU de Dijon

On a l’habitude de gérer des cas assez graves en réanimation. Les complications du coronavirus, on les connaît. Les détresses respiratoires sévères, on connaît.

Ce qui est surprenant, c’est la vitesse de dégradation des patients. Leur état se dégrade plus vite qu’on ne le pense. Au début, il y a eu un vrai afflux de patients. Aujourd’hui ça va un peu mieux. On nous dit que le pic arrive mais… on attend toujours. On est plutôt bien organisé. Peut-être que c’est parce qu’on a vu ce qu’il se passait dans d’autres régions. Mais nos médecins réussissent à orienter les patients selon leur gravité. Et nous, ça nous permet de faire notre travail dans de bonnes conditions.

Même si j’ai un petit peu plus la pression que d’habitude quand je vais travailler, je sais que je peux compter sur mes collègues. Il y a une grande cohésion, on est tous super soudés et c’est essentiel dans cette période.

En fait on est dans l’apprentissage en permanence. Tout change tout le temps. Et on apprend en même temps que les médecins.

Jour 15 • Lundi 30 mars 2020

Louise*, infirmière aux urgences de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire

Petit à petit, on a de plus en plus de patients atteints du Covid. Et il y a deux types de patients :

  • Les soignants qui ont des symptômes et qui viennent se faire dépister comme la toux, de la température ou des trroubles digestifs.
  • Les autres patients… Il y a les personnes âgées qui sont à domicile, seules. Elles ont de le température aussi et elles toussent. On les garde dans le service. Mais il y a de plus en plus de patients qui ont la cinquantaine et qui viennent avec des difficultés respiratoires. On les met sous surveillance, à domicile ou dans le service Covid…

Mais souvent au bout de 10 jours, il y a quand même une rechute.

Hier soir, il ne restait plus que 3 lits dans le service Covid. On va devoir en ouvrir un autre. Ce qui est paradoxal, c’est que du côté des urgences, le « parcours classique », il y a moins de patients. Ce qui n’est pas forcément bon signe. Hier, une dame est venue avec des douleurs thoraciques qui duraient depuis plusieurs jours. Elle ne voulait pas nous déranger. Mais là, c’est grave quand même.

Des douleurs abdominales, ça ne peut pas attendre…

Moi, je suis fatiguée psychologiquement. Je dors pas bien la nuit. Au service Covid, on porte des FFP2 pendant 12h. Je me chope des migraines à cause de ça. Et on est toujours dans l’attente… On a pas de centres d’intubations, pas de bâches en plastique. Bref, on attend toujours le matériel qui nous permettra de nous protéger. Ou plutôt de les protéger.

C’est nous le vecteur.

Et ça, c’est lourd comme charge psychologique. On prend toutes les mesures de sécurité et on a l’habitude aux urgences de gérer des détresses respiratoires. Le risque il est là tout le temps. Mais là ce qui nous fait peur, c’est l’ampleur de ce truc. Maintenant, les patients sont dans des états plus graves. Le virus est beaucoup plus virulent. Et c’est de plus en plus aléatoire. Beaucoup de patients qu’on reçoit n’ont pas d’antécédents…

citation-louise-4730436

C’est super touchant de voir tout ce qu’on fait pour nous, les sandwichs, les pizzas… Mais moi je me dis qu’on fait notre métier. Est-ce qu’il n’y a pas des gens qui ont plus besoin que nous de ce soutien ?

On est méritant OK… Mais c’est notre travail.

Jour 10 • Mercredi 25 mars 2020

Camille*, aide-soignante dans un service de réanimation à Dijon

On est passé en plan blanc. Donc on fait en sorte qu’il y ait en permanence quatre aide-soignantes la nuit. Le service est complet… de personnes atteintes du Covid-19.

Le risque avec l’afflux des patients, c’est que les autres services soient obligés de récupérer des patients intubés. Sans que les infirmières soient forcément formées aux gestes de réanimation.
On commence déjà à choisir les patients qui vont aller en réanimation. Et ceux qu’on a en réanimation, on les garde longtemps… Ce sont des prises en charge lourdes. Vendredi, j’avais un patient qui allait plutôt bien. Mais lundi quand je suis revenue, il était intubé.

L’état des patients se dégrade très vite.

Julie*, médecin généraliste à Besançon

C’est tendu. Pour l’instant je n’ai pas encore énormément de malades (du Covid-19). Je fais beaucoup d’arrêts de travail, mais pour des pathologies pas très graves. J’ai deux ou trois patients qui sont dans un état particulier et qui m’inquiètent un peu. Alors je les appelle toutes les 48h. Je commence à savoir évaluer par téléphone les difficultés à respirer. On apprend. On essaie de tout gérer à distance. C’est un peu stressant… J’ai plutôt l’habitude de travailler avec mes mains et de prôner l’examen clinique. Alors j’apprends à ne plus le faire.

Je finis les consultations chez moi. Parfois jusqu’à 23h30.

J’ai du mal à décrocher. Je n’ai aucun moment de repos.

Jour 9 • Mardi 24 mars 2020

Nathan*, aide-soignant en EHPAD, à quelques kilomètres de Dijon, en Côte-d’Or

La direction de mon établissement refuse que nous portions des masques, malgré plusieurs cas de Covid-19 avérés. Nous sommes tous présents, et de bonne volonté. Mais nous n’allons pas au travail pour y mourir ! Nous sommes les soldats de l’ombre qu’on ne protège pas.

Quelle attitude adopter face à ce comportement irresponsable qui met notre vie en danger tous les jours ?

Mathilde*,  infirmière aux urgences, dans l’Yonne

Mon état d’esprit a un peu changé.

On commence a avoir des cas plus avancés, plus graves. Ca nous met un petit coup de stress. Et on se demande si on fait les choses bien ? Il nous reste du matériel, alors on fait attention à ne pas l’utiliser à tort et à travers. Nos consignes d’hygiène changent souvent. Trop souvent. Parfois plusieurs fois par jour.

Je ne vais pas encore au travail la boule au ventre. Mais je dois avouer que j’appréhende un peu tous les jours quand même. Heureusement, on prend la température tous les jours avant d’aller travailler. On a une conversation avec les collègues où on se tient au courant des nouveaux cas.

On commence à être fatigué physiquement et psychologiquement. Ce qui m’angoisse, c’est d’être témoin d’une prise en charge où on va devoir choisir les patients. On en parle avec les collègues et les médecins. Parce qu’au final, c’est eux qui prendront la décision.

Même si on est dans un petit hôpital, on va se prendre cette vague.

Jour 8 • Lundi 23 mars 2020

Charlotte*, infirmière au CHU de Dijon

Il y a une réorganisation de tous les services. On va en renfort ailleurs. Il y a des services qui ont été aménagés pour le coronavirus. Mais il faut aussi qu’on s’occupe des patients chroniques, qui sont atteints parfois de pathologies lourdes.

C’est difficile aussi parce qu’on nous sépare de nos collègues avec qui on a l’habitude de travailler. On sait pas forcément où trouver le matériel, ça fait des chamboulements et on perd du temps. Mais on se soutien tous. On vit ça ensemble

Je suis infirmière depuis peu de temps. En sortant de l’école, je savais qu’on allait vivre des situations compliquées. Mais on tombe de haut quand même. On vit ça de plein fouet. Oui, c’est la guerre. On a des collègues qui se sont arrêtés parce qu’ils sont malades. Tout le monde est confiné. Et on en parle partout, tout le temps.

citation_amitie_rouge_8-4716196

On gère pour l’instant, et on se soutient tous ! Ce métier, on l’a choisi.

Jour 7 • Dimanche 22 mars 2020

Delphine*, infirmière aux urgences de Trevenans, Territoire de Belfort

Les urgences se sont vidées. On a découpé le services en plusieurs parties, pour pouvoir accueillir les patients suspects du Covid. Et puis il y a encore des patients atteints d’autres pathologies. Il reste encore des patients qui font des AVC ou qui ont des infarctus. Donc il faut s’occuper de tout le monde.

Je crains qu’il y ait de plus en plus de cas de coronavirus qui se déclenchent dans les prochains jours. Je vis ça avec une boule au ventre. J’aime mon métier malgré toutes les difficultés qu’on traverse depuis des années. Mais là c’est inédit. Même quand je suis en repos j’y pense. J’ai peur de revenir et d’avoir des patients en grosse détresse respiratoire. J’ai peur d’être contaminée et de ramener le virus à la maison. C’est un responsabilité lourde à porter de se dire qu’on peut contaminer d’autres personnes autour de nous.

J’ai pas confiance en ce qu’on nous dit.

Début février on nous disait de porter des masques FFP2. Aujourd’hui, on nous dit que si nous et les patients, on parte des masques chirurgicaux, ça suffit.

Quand je suis arrivée à l’hôpital, c’était très calme. Ca m’a fait penser au moment où la mer se retire sur le sable avec la grosse vague. On est pas encore au niveau de ce que subissent nos collègues dans le Grand Est, ou en Île-de-France.  Les témoignages sont glaçants. On entend que des jeunes qui n’avaient pas de problèmes de santé tolèrent difficilement le virus.

Je crois que les gens ne réalisent pas encore.

Jour 6 • Samedi 21 mars 2020

Nathalie*, aide-soignate à l’hôpital d’Avallon

« Deux personnes en suspicion de Covid-19 et en attente de résultats sont hospitalisées à l’hôpital d’Avallon. Je viens de terminer mon service de nuit.
Nous n’avion pas le matériel nécessaire pour prendre en charge les patients en toute sécurité ! Les seuls masques FFP qu’on nous a livrés étaient périmés. Nous risquons réellement notre vie… »

attachment-1_1-4714160
Le personnel soignant des urgences de l’hôpital de Chalon-sur-Saône demandent à toutes les personnes de respecter le confinement et de rester chez elles. / © Urgences Chalon-sur-Saône

Jour 5 • Vendredi 20 mars 2020

Sophie*, infirmière au CHU de Dijon

La nuit a été longue. On a eu une suspicion de Covid dans mon service, donc habillage obligatoire. Certains services ont été vidés pour recevoir des cas, d’autres ont fermé pour libérer des lits et surtout, du personnel.

On attend. On se prépapre.

Nous, ça va pour le moment. J’ai eu des nouvelles d’une collègue de promo qui bosse à Strasbourg… Elle est épuisée et elle angoisse beaucoup. On fonce droit dans la même direction qu’eux. C’est important que tout le monde reste au maximum à la maison. Que personne ne sorte. J’ai une collègue interne qui dit qu’elle est très choquée de voir des patients très jeunes, sans antécédents médicaux et sous respirateurs.

On tient bon, on essaye.

Julie*, médecin généraliste à Besançon

Depuis plusieurs jours j’ai totalement revu mon organisation. Je fais des téléconsultations avec les patients qui ont des pathologies communes. Je ne fais venir à mon cabinet que les cas suspects. Et il n’y a qu’une seule personne dans la salle d’attente. Les autres atttendent dehors. D’habitude, j’interviens à domicile aussi. Mais là je ne me déplace plus. A cause du coronavirus, je vis de nouvelles situations.

citation_amitie_rouge_7-4710526

Le fonctionnement sera de plus en particulier. Et les symptômes évoluent. J’ai remarqué que des patients avaient en plus des douleurs abdominales, des courbatures, le nez qui coule.

Ca va s’aggraver.

Amélie*, travaille dans un EHPAD en Côte-d’Or

On parle peu de ce qu’il se passe dans les EHPAD. Le personnel souffre depuis des années. Depuis le début de la crise sanitaire, nos journées sont épuisantes psychologiquement et physiquement. On fait des journées de 12 heures, non-stop. Et nous n’avons aucun soutien. Nous devons garder nos masques toute la journée car il n’y a pas assez de stock pour les changer plus souvent. Tous les jours on nous en demande de plus en plus. Nous sommes épuisés. Jusqu’à quand nous allons pouvoir tenir ? Personne ne le sait.

Nos aînés pleurent. Ils s’alimentent de moins en moins, ils ne veulent plus voir leur famille. Certains ne sortent même plus dans leur chambre. Ca empire tous les jours.

Nous n’avons pas le droit de craquer.

Alex, soignant au CHU de Dijon:
« Ma mère qui m’appelle et termine la conversation en pleurant car elle se fait du soucis pour moi. Dur de mentir à ses proches en disant que tout ira bien. »

Capture d’écran 2020-04-29 à 00.49.55

Jour 4 • Jeudi 19 mars 2020

Emma*, infirmière aux urgences

La situation est inédite dans nos services d’urgences. On a appris via une dépêche que le matériel venait à manquer : des masques de protection FFP2, des masques chirurgicaux, des blouses. Alors forcément, ça amène beaucoup d’inquiétude pour nous, soignants. Mais notre inquiétude est couplée à un état de fatigue extrême.

citation_amitie_rouge_3-4707500Crédit : France 3 Bourgogne

On alterne des postes de 12 heures en jour et en nuit qui nous explosent le corps et le moral. Cette épidémie risque de nous achever, si on est pas contaminé d’ici-là. Des médecins ont été testés, arrêtés et donc probablement contaminés. Les urgences ont été complètement modifiées. 2/3 des locaux sont dédiés au Covid.

On s’attend au pic ce weeek-end. Comme des soldats sur le front, on attend ce pic. On peut presque dire qu’il y a déjà eu des combats au corps à corps avec le Covid. Beaucoup de moyens sont déployés par l’hôpital mais est-ce qu’ils seront suffisants en cas d’attaque massive du virus ? Les protections seront-elles suffisantes ?

On est un peu les soldats inconnus de cette guerre.

resized_20200320_120517-4714168Le personnel soignant du service des urgences de Montceau-les-Mines a un message : restez chez vous. Respecter les mesures de confinement est le meilleur moyen pour endiguer la propagation du coronavirus et permettre aux soignants de prendre en charge tous les patients hospitalisés. / © Urgences Montceau-les-Mines

Louise*, infirmière aux urgences de Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire

Dans notre hôpital, on est pas encore en tension. On est actuellement dans une situation de préparation. On vient d’ouvrir un service Covid. Avec 16 lits.

Les gens ont compris qu’ils devaient arrêter de venir aux urgences pour des petits bobos.

Aux urgences, c’est calme maintenant. Ne viennent que ceux qui présentent de graves pathologies. Et puis, je pense aussi qu’ils ont peur de venir par rapport au Covid. Ils ont peur d’être au contact de patients qui l’auraient.

Quand on a des patients Covid, il faut qu’on soit deux dans la chambre. Il faut toujours être deux en fait : en miroir, pour s’habiller et se déshabiller. C’est toute une gymnastique qu’on a pas l’habitude de faire.

citation_amitie_rouge_5-4707756Crédit : France 3 Bourgogne

Actuellement, j’ai pas peur d’attraper la maladie. Enfin, j’ai pas peur pour moi. J’ai surtout peur de la donner autour de moi. Donc moi aussi je me confine quand je ne travaille pas.

Je dors Covid, je mange Covid, je lis Covid, je rêve Covid.

Mathilde*,  infirmière aux urgences, dans l’Yonne

Tous les jours, on a des réunions pour connaître l’avancée de la maladie et les nouveaux protocoles. Mais aujourd’hui on a peur du manque de matériel de protection. On en a. Mais il est distribué au compte goutte et il y a beaucoup de vols.
On travaille 12 heures par jour. On est tous ensemble depuis le début. On est comme une grande famille. On essaie de réagir avec un peu d’humour parce que plus les jours passent, plus c’est difficile.

citation_amitie_rouge_4-4707692Crédit : France 3 Bourgogne

Comme tout le monde, sur nos jours de repos on est en confinement. Je fais mon jardin, je m’occupe de ma maison. Mais on coupe pas du coronavirus. Il y a tellement de choses sur les réseaux sociaux que même si on veut pas voir, on voit. 

J’ai 30 ans mais jamais je ne pensais un jour vivre cette situation.

Pour moi, on est très avancé au niveau de la médecine. Je pensais pas que ça pouvait arriver. Mais je me dis que si chacun y met du sien, on peut éviter une propagation plus importante et nous on pourra traiter les patients. Quand je vois des files phénoménales devant les magasins… je me dis que les gens ne comprennent pas.

La panique, elle est à l’extérieur de l’hôpital.

Jour 3 • Mercredi 18 mars 2020

Paul*, infirmier de bloc opératoire à Chalon-sur-Saône, en Saône-et-Loire

Dans les blocs opératoires, les moyens s’organisent, les interventions non urgentes sont déprogrammées. Dans les services d’urgence et de cancérologie. Les moyens humains (IBODE, infirmiers de bloc opératoire et les IADE, les infirmiers anesthésistes) sont orientés dans les services sous tension. Comme les urgences, la réanimation, les maladies infectieuses et la pneumologie.

Nous avons peur de manquer de moyens matériels

La solidarité s’organise entre soignants mais nous avons peur de manquer de moyens matériels notamment des masques et de la solution hydro alcoolique. Nous vivons au jour le jour en attendant les nouvelles directives !

Jour 2 • Mardi 17 mars 2020

Camille*, aide-soignante dans un service de réanimation

On peut être amené à revenir sur nos jours de repos.

Avant, on faisait une nuit de 20h45 à 6h45 avec deux jours de repos entre chaque nuit à l’hôpital. Aujourd’hui, on a un seul jour de repos entre nos postes et surtout, on est passé en 12 heures. Certaines infirmières du service font parfois 48 heures en une semaine. En fait, dans le service, il y a un tableau avec des jours « vides ». Et chacun s’inscrit, pour faire des jours en plus.  Pour l’instant, ils ne nous obligent pas. On décide nous-même quand on revient. Pour l’instant.

Ca change pas grand chose… sauf qu’on doit davantage se protéger.

En réanimation, on a l’habitude d’être dans le mouvement. C’est toujours aléatoire, on sait jamais de quoi les journées vont être faites. On soigne déjà beaucoup de pathologies. Alors le coronavirus, ça change pas beaucoup de choses pour nous. Sauf qu’on doit plus se protéger.
Il y a beaucoup de réunions. Ils appellent ça « des staffs« . C’est pour décider de l’organisation du service : quelles pathologies on prend chez nous, lesquelles on envoie ailleurs. Mais l’atmosphère est pas trop tendue. Enfin, ça dépend des collègues avec qui on travaille. Il y a des collègues qui sont plus stressés, forcément… Ils ont peur pour eux, peur de contaminer leurs proches.

Mais je dirais que c’est à l’extérieur qu’on panique le plus.

L’autre jour, j’étais avec mon grand-père qui a des problèmes respiratoires et on prenait les transports en commun. Il a toussé et tout le monde l’a regardé. Tout le monde avait peur. Je suis presque plus rassurée sur mon lieu de travail.

Il a peur que je ne revienne pas.

citation_amitie_rouge_6-4707954Crédit : France 3 Bourgogne

Pour l’instant on tient. Il n’y a pas de renforts. En fait, ce sont les infirmières d’autres services qui viennent nous aider. Mais c’est déshabiller Pierre pour habiller Jacques. Parce qu’une infirmière en plus chez nous, c’est une infirrmière en moins ailleurs. Donc pas de recrutements annoncés. Pas que je sache. Mais mes collègues sont fatigué(e)s. Parce que déjà avant le coronavirus il nous manquait du personnel. On était déjà épuisé avant. Et là, on doit en faire plus, être encore plus présent.

Sauf qu’on aura besoin de repos nous aussi.

Jour 1 • Lundi 16 mars 2020

Vincent*, infirmier aux urgences depuis 25 ans

C’est chaud, c’est vraiment chaud.

On a vraiment la tête dans le guidon. On dénonce la situation depuis 1 an. On est toujours pas assez nombreux, mais au fond de moi, je suis convaincu qu’on gère bien. Ça fait 10 jours qu’on gère. Je suis cuit. C’est de la fatigue et de la fierté. Il faut s’occuper des gens. On oublie les politiques. Il faut plutôt être fier. On va pas compter nos heures. On est dedans. On y va !

C’est comme les soldats qui vont au front.

citation_amitie_rouge_1-4707462Crédit : France 3 Bourgogne

Cet après-midi, on a vu un patient qui risquait de tomber d’un brancard. Mais on ne pouvait pas intervenir sans s’habiller. Ca a pris 5 minutes.

Pour la suite, on verra au jour le jour, comme on le fait depuis 10 jours.

On sait qu’on est qu’au début de la bataille.

*Tous les prénoms ont été modifiés.
Source : France TV Info

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *