Corona-krach : La France avait le choix entre la croissance et le déshonneur,

elle a choisi le déshonneur et n’aura pas la croissance

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Petite retro-chronologie des 8 sereines de propagation du Coronavirus de Wuhan au monde entier.

Par Mathieu Mucherie 18 mars 2020

Semaine 1 : Tout va bien, le CAC40 est à 6100 points, il parait que les chinois ont un souci avec un virus du nom d’un vieux mexicain alcoolique, mais cela ne nous concerne pas, nous sommes loin, très loin, trop occupés à spéculer sur l’immobilier ou à regarder Koh-Lanta, et à part le hold-up sur nos retraites cet hiver… Tout va bien.

 

Semaine 2 : ces chinois, qui sont très loin mais très sales avec leurs chauve-souris, exagèrent. Au choix : voilà bien un régime communiste qui vide les rues sans respect pour les libertés, ou encore : voilà bien un colosse aux pieds d’argile qui s’y prend trop tard comme pour le SRAS de 2003, dans une négation là encore très communiste du réel. Ces deux reproches entrent vite en contradiction mais seront maintenus pendant des semaines : dans nos têtes, la Chine n’a pas vraiment changé. Dans tous les cas, cela ne nous concerne pas, sauf peut-être les plus de 75 ans qui après tout ont bien vécu (nous avons droit à ce couplet sur l’équilibre de la sécu à chaque crise sanitaire, la grande classe, digne d’un pays socialisé jusqu’au trognon). Et on ne va pas du tout s’interroger sur le R0 de ce virus, ou préparer les hôpitaux en grève et à cran depuis des mois, nous avons mieux à faire. Tout va très bien madame la marquise.

 

Semaine 3 : mais enfin, ce n’est qu’une grosse grippe !!! On ne va pas empêcher notre ministre de la santé de se barrer vers les municipales pour si peu. Quant à proposer des tests à Roissy et Orly, certainement pas. Et se méfier d’un retour de Chine dans l’Oise, encore moins. On enregistre certes des cas qui se multiplient en Italie, mais c’est logique : c’est un « sous-produit de la rigueur budgétaire qui a ravagé les infrastructures sociales italiennes » (NB : à Milan ou Venise, villes parmi les plus riches et les mieux équipées d’Europe…). Alors que nous avons en France le meilleur système de santé du monde (propos entendus sur France info, je n’invente rien…), et que pas un bouton de guêtre ne manquera dans nos hôpitaux, etc. Anticiper sur les masques, les gels, les respirateurs ? Cela ne ferait que provoquer des paniques, voyons. Tout va bien et même mieux que bien.

 

Semaine 4 : gardons notre sang froid, et résistons aux rumeurs. Les marchés financiers exagèrent, de même que les épidémiologistes en mal de notoriété. Les Italiens sont débordés, mais notre célèbre cohésion nationale patriotique fera la différence. L’expérience chinoise du confinement total est bien trop exotique, alors gardons notre méthodologie des phases 2 et 3 toutes pourries. La méthode bien rodée de la Corée du Sud, à base d’enquêtes, ne passera pas non plus par nous. Après tout, nous serons sauvés vers avril (puisque le virus est une grippe, il partira avec le soleil, hein ??). Ou sauvés par un vaccin… en 2021. En attendant, tous au télé-travail (on voit là que personne au gouvernement ne sait ce qu’est concrètement le monde de l’entreprise, avec des serveurs qui ne sont pas conçus pour des flux aussi massifs). Tout va encore assez bien, grâce à un gouvernement très pro, très relié aux expériences internationales et pas du tout provincialiste ou adepte de la méthode Coué.

Semaine 5 : « nous » allons y arriver, même si ce sera rude, « nous » sommes tous sur un pied d’égalité (certains seraient plus égaux que d’autres, mais c’est une rumeur). OK, nous ne faisons que suivre la courbe italienne avec 8 jours de retard, mais le dévouement héroïque de nos personnels de santé doit être souligné, plus souligné que les résultats des chercheurs (le R0 du virus n’est pas de 1,5 ou de 2,1 mais de 3 ce qui implique une division par 4 des interactions sociales si on veut voir le bout du tunnel, la moitié des cas sévères ont moins de 55 ans, l’été ne fera que freiner à peine le virus qui en plus peut encore muter, etc.). Alors notre objectif est de « freiner » la diffusion, mais sans rien fermer, hein, ni les transports en commun, ni les boites de nuit, rien. Comme Bruno Lemaire l’a dit, nous pourrions perdre « jusqu’à quelques dixièmes de points (sic) de PIB », il serait bien gênant d’aller au-delà comme les chinois qui ont sacrifié la croissance de 2020. Et, surtout, surtout, allez voter aux municipales, même si vos maires n’ont pratiquement aucun pouvoir en ToutanMacron-cratie : vous démontrerez ainsi votre attachement touchant à la Républiiiique. Tousse ensemble. Tout ne va pas toujours très bien, mais dites vous qu’ailleurs c’est pire : ils n’ont pas Macron.

 

Semaine 6 : ahh ils sont coquins, ces allemands et ces autrichiens, naguère champions en pseudo-fédéralisme, d’abolir unilatéralement Schengen en moins de 72 heures !! Mais nous gardons notre confiance dans les institutions européennes, bien entendu, comme lors des guerres de l’ex-Yougoslavie, et comme au moment des crises de 2008 ou de 2011. Toute autre attitude serait défaitiste, populiste, pas festive et moche. Et c’est alors le 12 mars qu’arrive la BCE (avec des semaines de retard, il est vrai que rien ne presse…), BCE qui multiplie comme à son habitude les mesurettes techniques illisibles, et qui ne décide rien sur les taux d’intérêt, et qui adresse un doigt d’honneur fort élégant à l’Italie, au meilleur moment. L’abîme entrainant l’abîme, Bruno Lemaire déclare qu’il ne sert à rien de piller les magasins, que la pénurie (on dit : ruptures de stocks, en novlangue ministérielle) est un scénario de science-fiction : comme des millions de Français, je me précipite alors dans les magasins, ce qui me permet d’obtenir les derniers grains de riz disponibles (ne jamais sous-estimer la valeur d’indicateur reverse de Bruno Lemaire). Je n’en suis pas fier, mais cette stratégie short-Bruno va me permettre de survivre encore quelques jours. Tout va donc bueno bueno, puisqu’on vous le dit, selon une séquence très maitrisée, et pas du tout vénézuélienne.

 

Semaine 7 : on va faire comme les Italiens, au final. Mais Notre Président ne parle pas de confinement, il laisse son ministre de la police le reprendre de justesse (lui-même est un repris de justesse). On communique sur 15 jours, là où tout indique un mois, mais passons. Bruno Lemaire parle d’une croissance 2020 à -1% (contre +1% initialement, cela fait un paquet de « dixièmes de points » en moins, en quelques jours…), ce qui signifie que nous ferons environ -3%, et encore, si tout se passe bien. On s’aperçoit que nous avons prévu quatre fois moins de lits en soins intensifs que les allemands, bien joué là encore. C’est la « guerre » dit le Président, oui mais façon Maginot, sans préparation là où ça fait vraiment mal. Tout va bien, comme le 9 mai 1940.

 

Semaine 8 : game over. Les derniers insouciants, les américains, vont se prendre une belle baffe, mais eux au moins ont une banque centrale, et des baisses d’impôts en perspective (nous avons Lagarde et des perspectives de nationalisations de secteurs entiers). On risque de fermer les marchés, tant ils ne nous racontent pas une histoire que nous avons envie d’entendre. Au moins, on ne se moque plus des chinois et des coréens. Ni bientôt des italiens. C’est alors qu’Agnès Buzin déclare qu’elle a lancé l’alerte auprès de ses chefs (les diafoirus Macron & Philippe) dès janvier, et que les municipales constituaient une mascarade : les langues de bois mêmes les plus bétonnées commencent à se délier. On apprendra bientôt que les scientifiques consultés ne sont pas les couteaux les plus tranchants du tiroir, que leurs publications en épidémiologie dans de grandes revues ne sont pas bien épaisses, que le comité en question ne vaut guère plus que celui qui s’occupe à Francfort de politique monétaire avec le succès que l’on sait (et qui ne comporte pas un économiste reconnu) ou que le comité en charge de la sécurité routière (qui ne comporte aucun vrai professionnel de la route ou du pilotage). On apprendra bientôt que nos énarques ont arbitré jusqu’au bout entre des points de PIB et des morts (là où les autorités pourtant fort peu poétiques de Pékin ont hésité moins longtemps avant de faire le choix le plus humaniste). Ils voulaient, à Bercy, de la croissance même fort peu honorable, ils n’auront au final ni l’honneur ni la croissance. Mais tout va bien !!

Source : Atlantico

 

 

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