Au service de mon pays et de sa vie démocratique.

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Un premier pas vers la Liberté d’expression des Gendarmes et des militaires ?

« Oser la vie c’est choisir la Liberté » (Dominique de Lorgeril)

Le 25 mars 2014, à l’occasion du premier tour des élections municipales, Profession-Gendarme se faisait le relais de nombreux articles de presse concernant l’engagement citoyen de deux militaires élus dans leur commune respective.

L’un d’entre eux, Dominique de Lorgeril, élu au premier tour sur la commune de Garat  (16) n’en est pas à sa première candidature.

Mais qui est Dominique de Lorgeril ?

Dominique de Lorgeril est un officier supérieur de la Marine nationale. Capitaine de vaisseau, il est depuis 2012 Chef d’Etat-major du centre d’études stratégique de la Marine à Paris.

Il est également le créateur du Blog  « Bon sens pour le bien commun « . 

C’est sur ce blog que nous avons découvert l’un de ses écrit « Au service de mon pays et de sa vie démocratique »  et que nous reproduisons ci-dessous. Dans cet écrit nous trouvons plusieurs références législatives se rapportant à la citoyenneté des militaires qui nous permettent de réfléchir à certaines contradictions de la  Loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires.

Ces contradictions démontrent bien la nécessité d’un rafraichissement du statut militaire vers une liberté d’expression élargie et la reconnaissance pleine et entière de la citoyenneté des gendarmes et des militaires. Ceux-ci doivent cesser d’être considéré comme des citoyens de seconde zone.

C’est pourquoi j’ai voulu vous faire profiter de ce texte :

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Au service de mon pays et de sa vie démocratique.

“Ceux qui pensent qu’il est impossible d’agir sont généralement interrompus par ceux qui agissent.” James Baldwin

Agir est donc bien le propre de l’homme libre qui porte en lui, comme chacun d’entre nous et à la mesure de ses convictions, l’avenir du monde.

Par ses réflexions et ses engagements, il donne sens à sa vie et à ses actions, en leur fixant leur finalité. Jean Monnet rappelait que “Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise.”  C’est pourquoi toute période de crise est source de changement et de renouveau, et qu’il est aujourd’hui un impératif pour chacun de nous que d’imaginer, de rêver et de construire notre avenir commun.

Pourquoi un militaire, alors même qu’il dispose souvent par son expérience d’une large vision du monde, devrait-il en être écarté ?

Pourquoi ne pourrait-il pas agir comme tous les autres citoyens, au sein des instances de décision des collectivités nationales, territoriales ou locales de notre pays ?

Plusieurs juristes et parlementaires pensent même qu’est anticonstitutionnelle, la Loi qui interdit de fait aux militaires d’accéder comme tout autre citoyen à des fonctions électives (en rendant incompatibles son statut professionnel et tout mandat, fût-il simplement consultatif et bénévole).

En effet, le préambule de la Constitution de la République Française établit que : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 (où l’on trouve à son article V que « La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société »), confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 (qui stipule également que « tout homme doit pouvoir défendre ses droits et ses intérêts ») ».

et le deuxième alinéa de son article 1 garantit que : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

La Loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires s’oppose donc bien à cette égalité d’accès aux fonctions électives, lorsque son article L. 4121-3 stipule «Les militaires qui sont élus et qui acceptent leur mandat sont placés dans la position de détachement prévue à l’article L. 4138- 8 », retirant ainsi de fait emploi et rémunération au militaire qui accepterait le mandat institué par le vote de ses concitoyens.

Quelles pourraient ainsi être les contraintes liées au statut militaire ou les actions nuisibles à la société, qui pourraient expliquer une telle incompatibilité et justifier cette lourde restriction de la Loi, imposant une perte instantanée d’emploi et de rémunération à un citoyen, pour le seul fait d’accepter un mandat électoral ?

Et dans l’hypothèse où la Loi pourrait réellement justifier et juger d’une telle incompatibilité, pourquoi alors ne pas appliquer aux militaires le bénéfice du Décret N° 85.986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’Etat, qui prévoit dans son article 14 alinéa 8 , une mise en détachement pour exercer « une fonction publique élective lorsque cette fonction comporte des obligations empêchant d’assurer normalement l’exercice de la fonction » ?

L’article 30 du même décret stipulant par ailleurs que : « Le fonctionnaire détaché d’office dans le cas prévu à l’article 14, 1°, continue à percevoir la rémunération afférente à son grade et à son échelon dans son administration ou service d’origine, si le nouvel emploi occupé comporte une rémunération moindre ».

Ayant engagé ma vie au service de mon pays depuis plus de 30 ans, conscient et assumant pleinement mes obligations de neutralité et de disponibilité liées à mon statut militaire, mais aussi tenu par mes droits et devoirs de citoyens, il ne m’était pas possible, à la suite de mes diverses candidatures aux élections cantonale et législative, de refuser la demande de mes concitoyens de poursuivre humblement ma participation à la vie de la cité.

C’est ainsi que j’ai accepté dans le cadre des élections municipales de mars 2014, de me joindre à une liste sans étiquette politique qui se présente sur la commune de Garat en Charente (16410).  http://16410garat.blogspot.fr

Néanmoins, en cas d’élection, je me suis engagé à n’accepter aucune charge exécutive (de maire ou d’adjoint), ni aucun mandat au sein de la communauté de communes, afin qu’un éventuel rôle de simple conseiller totalement bénévole d’une commune de 1 972 habitants ne puisse s’opposer en aucune manière aux contraintes de neutralité politique et de pleine disponibilité liées à mon statut militaire.

En effet, si je suis élu, je ne serais alors appelé qu’à participer en simple conseiller aux réunions du conseil municipal, environ une fois par mois de 20h00 à 22h00, sous réserve de ma disponibilité effective ce jour là. Une éventuelle absence prolongée pour mission d’un des 19 conseillers ne poserait néanmoins aucun problème pour le fonctionnement de la commune.

Enfin, un tel mandat n’engendre aucune rétribution de quelque nature que ce soit.

Conformément aux textes réglementaires en vigueur, j’ai ainsi rendu compte par voie hiérarchique de mon engagement, et estime ainsi m’être mis pleinement, en tant que citoyen engagé, au service de mon pays et de sa vie démocratique.

Références :

–         DENOIX de SAINT-MARC (R.) (Pdt.), Rapport de la commission sur la révision du statut général des fonctionnaires¸ présenté le 29 octobre 2003, La documentation française, 83 p., p. 5 : « La commission préconise de libéraliser largement ces règles chaque fois que les exigences du métier militaire le permettent, de façon à rapprocher la situation des militaires de celle des autres agents de l’Etat »

–         Dans le LIVRE BLANC sur la défense et la sécurité nationale de 2013, il est mentionné au chapitre 7.D page 113 : « Au-delà des conditions dans lesquelles ils exercent leur métier, les femmes et les hommes de la défense et de la sécurité nationale, qu’ils soient civils ou militaires, doivent pouvoir jouer pleinement, en tant que citoyens, un rôle dans la vie de la cité. »

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Note de la rédaction : Le journal Le Figaro reprend l’argumentation du Capitaine de vaisseau de Lorgeril dans un article publié le 20 mars 2014.

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