Alors…qui est complotiste?

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Je venais à peine de publier ma petite réaction au documentaire de W9 sur le complotisme que tous les médias, si prompts à dénoncer ce type de croyance, communiaient soudain dans un complotisme assumé: ils dénonçaient tous le « complot russe », le seul qui ait droit de cité dans notre pays.

Il semble assez évident – et il suffit d’avoir regardé quelques James Bond pour constater que c’est là un principe de base – que si la Russie montait un complot contre quelqu’un, elle aurait soin de ne pas agir à visage découvert. L’homme qui revendique la divulgation des informations sur la vie privée de M. Griveaux est russe : ah, et si c’était un complot russe? Trop facile.

On veut bien entendre que Pavlenski soit, comme je l’ai entendu l’autre jour dans un débat du soir, un agent double, réfugié politique travaillant en réalité pour la Russie. Reste que cela n’est pas bien ingénieux et que si tout le monde flaire un complot russe, c’est sans doute justement parce qu’il n’y a pas de complot russe. Pourtant, nos médias posent la question sans rire, comme en pleine Guerre Froide:

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Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de complot. Il paraît incontestable, j’en conviens bien volontiers, que Benjamin Griveaux a été victime d’un coup monté et probablement même d’un piège impliquant la destinataire initiale des images compromettantes qui ont causé sa chute. Mais de manière troublante, on a l’impression, dans le paysage médiatique actuel, que le seul moyen d’évoquer une machination sans passer pour un farfelu obsédé par les thèses alternatives est d’en attribuer la responsabilité aux Russes. Et tant pis si le mobile demeure introuvable.

Apparemment, c’est la technique choisie qui accrédite la thèse russe :

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Mais reconnaissons tout de même que la méthode n’est ni particulièrement originale, ni très élaborée… ni typiquement russe puisqu’elle est abondamment pratiquée par les adolescents, au point d’être popularisée sous la dénomination peu poutinienne de « revenge porn ».

Parmi les « éléments intrigants » relevés par l’Express, on note le fait qu’Alexandra de Taddeo, la compagne de Piotr Pavlenski a un lourd passif de collusion avec la Russie, du moins est-ce ainsi qu’on est censé comprendre ces informations :

L’ancienne étudiante en droit présente en filigrane de son parcours universitaire une certaine russophilie, alors qu’elle en parle couramment la langue et a réalisé un mémoire sur « La politique étrangère de la Fédération de Russie en Arctique », rapporte Le Parisien. Sur la radio Fréquence protestante, elle a aussi animé deux émissions sur la Russie, en 2016 et 2017, note Le Monde. Dans l’une d’elles, elle interviewe notamment Alexandre Makogonov, deuxième secrétaire de l’ambassade de Russie en France.

Cette « russophilie » explique certainement que la dame soit tombée amoureuse d’un Russe. Elle ne permet pas de comprendre ce qui motiverait une ingérence russe dans la campagne municipale de Paris. Comme l’ont fait remarquer les observateurs les plus lucides, il est tout bonnement hallucinant d’aller imaginer que les services russes auraient dépensé du temps et de l’énergie à monter un complot minable à la stratégie grossière visant à déstabiliser un candidat qui, si l’on en croit les sondages, ne pouvait pas gagner.

Si nos journalistes s’autorisaient à creuser un peu la très vraisemblable thèse du coup monté (reposant peut-être sur une vengeance personnelle bien plus que sur une machination d’ampleur internationale), ils découvriraient probablement une action « sous faux-drapeau » dont les initiateurs sont sans doute les premiers à s’étonner que la thèse du complot russe puisse bénéficier d’un tel crédit.

Il faudrait pouvoir faire le décompte du nombre d’articles, de reportages, d’éditoriaux et de débats qui ont évoqué comme une hypothèse sérieuse l’éventualité d’un complot russe dans l’affaire Griveaux. Pourquoi pas? Mais que nos journalistes aient désormais la cohérence et la décence de ne pas condamner par principe les interrogations qui peuvent surgir de manière bien plus légitime et plus étayée, autour d’événements beaucoup plus graves.

Source : Causeur

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