Alençon. « Au téléphone, c’est l’expérience du terrain de l’opérateur, qui parle »

Retour au Centre d’opérations et de recherches (CORG) de la gendarmerie de l’Orne, à Alençon, où les médias se succèdent depuis l’appel du garçon de 5 ans qui a sauvé son père.

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« Ça fait cinq ans que je suis opérateur au CORG et c’est la première fois qu’un appel de ce genre me parvient ! » Derrière la légendaire humilité des gendarmes, le major Alain Leterrier savoure néanmoins une certaine satisfaction de l’heureux dénouement qui a fait suite à l’appel d’un garçonnet de 5 ans dimanche 13 mai à 22 h 48.

Ce n’est pas lui qui a décroché. Mais il occupait le poste de « chef de quart » cette nuit-là, au Centre d’opérations et de recherches de la gendarmerie (CORG) de l’Orne à Alençon. Comprendre : il supervisait et encadrait ses trois collègues. Il a donc, comme le gendarme Romuald Arrivé qui a intercepté l’appel, largement vécu la situation de l’intérieur.

60 000 appels par an

« L’enfant a dit : « Je crois que papa est mort, il fait des bulles avec sa bouche », relate le major Leterrier. Comment ne pas croire à un appel malintentionné comme le CORG peut en être destinataire parmi les quelque 60 000 qu’il reçoit par an ?

« La voix était très fluette. Aucun adulte, auteur d’une mauvaise blague, n’aurait pu l’imiter ainsi. Et les faits décrits par l’enfant annonçaient forcément une situation réelle ».

L’opérateur du CORG (appelé Corgiste dans le jargon des militaires) tente alors d’obtenir l’identité et la localisation de l’enfant. « On ne comprenait pas son nom et il ne connaissait pas son adresse ». Seulement le nom de sa commune : Glos-la-Ferrière.

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Le CORG de l’Orne est destinataire de quelque 60 000 appels par an composé depuis le 17 dans tout le département. (©L’Orne-hebdo)

L’opérateur sollicite alors la gendarmerie de L’Aigle, dont une patrouille était de sortie à proximité, et alerte les pompiers. Il invite l’enfant, prénommé Quentin, à « aller secouer son papa pour le réveiller ». Réponse : « Je n’y arrive pas et j’ai peur ».

« Je n’ai pas mon manteau, ni mes chaussures ! »

Le gendarme adapte alors son langage à celui de son interlocuteur pour le rassurer.

« Il lui a dit que nos copains allaient arriver et qu’il fallait qu’il surveille les lumières bleues à la sortie de chez lui. Qu’il fallait qu’il se mette sur le pas de la porte. L’enfant a immédiatement répondu : « Mais je n’ai pas mon manteau, ni mes chaussures ! »

L’opérateur lui a alors conseillé de se chausser et de se couvrir pour sortir. Ce qu’il a fait « en allumant la lumière à l’extérieur de la maison ». Il a également donné la couleur de la façade et des volets de sa demeure. « Il a fait preuve d’une impressionnante maturité ! », reconnaît le major Leterrier.

« Mon téléphone a buggé, j’ai pris le 2e de la maison ! »

« À un moment, la liaison avec son téléphone fixe a coupé. On s’est un peu inquiété car nous ne l’avions pas totalement localisé mais deux minutes après, il a rappelé. Il nous a dit : « Mon téléphone a buggé, j’ai pris le deuxième de la maison » ! »

Pendant que l’opérateur maintient l’enfant en ligne, le CORG lance une demande de géolocalisation « sur réquisition et dans le cadre administratif de la sauvegarde de la vie humaine » à l’opérateur téléphonique.

« Dans les premières réponses de l’opérateur, nous n’avions pas la même commune. Le gendarme lui a donc redemandé. « Mais je t’ai dit que c’était Glos-la-Ferrière ! » a-t-il répondu », sourit le major, stupéfait de l’aplomb du jeune enfant.

Le petit garçon félicité

Alors que l’adresse exacte parvenait au CORG, pompiers et gendarmes arrivaient au domicile de l’enfant.

« On lui a dit : »Ecoute : ce sont les sirènes de nos copains ! »

Le père a alors été immédiatement pris en charge par les secours puis dirigé vers l’hôpital de L’Aigle.

En fin d’intervention des secours, l’opérateur a rappelé ses collègues dépêchés sur les lieux et a demandé à parler à l’enfant « pour le féliciter ».

Quarante minutes ont suffi à faire parvenir les secours à Glos-la-Ferrière depuis l’appel de ce jeune garçon qui ignorait son adresse précise. « Mais ça peut être long pour un enfant de 5 ans ! », signale le major Leterrier qui, depuis la révélation des faits lundi 14 mai, voit se succéder les médias dans le local sécurisé du centre d’appels du groupement de gendarmerie de l’Orne à Alençon.

Parce que BFM TV, France Télévisions, M6, TF1, RTL, C8, Europe 1, Le Figaro, Le Parisien, Ouest-France, Tendance-Ouest… la presse française s’est emparée de cette belle histoire « au dénouement heureux ». Le papa a, en effet, été sauvé… par son fils de 5 ans. À la grande joie des gendarmes présents au CORG cette nuit-là.

 

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Le major Alain Leterrier était « chef de quart » dans la nuit de dimanche 13 à lundi 14 mai lorsque l’enfant a téléphoné au CORG. Il se dit impressionné « par la très grande maturité » du garçon de 5 ans. (©L’Orne-Hebdo)

« Le Corgiste n’est pas qu’un standardiste » 
« La maturité du petit garçon de 5 ans était d’autant plus impressionnante que très souvent, dans les appels d’urgence de ce genre, les gens crient ou sont affolés, en totale panique et leur discours n’est pas cohérent. Notre mission première consiste alors à les calmer pour être le plus efficace possible », mentionne le major Leterrier.
Sont-ils formés à cette mission ? « Seuls les gendarmes de terrain expérimentés accèdent au CORG. Il n’y aura jamais de jeunes gendarmes ici », reprend le colonel Pierre Baillargeat. « Parce qu’au téléphone, il faut faire preuve d’empathie, évaluer la situation avant de pouvoir engager les bons moyens. Le CORG est un filtre entre ce qui doit être géré et l’événement. C’est alors l’expérience du terrain de l’opérateur qui parle ».
Douze « Corgistes » sont affectés au CORG de l’Orne à Alençon. Ils se relaient toutes les douze heures. « Ils sont deux au minimum pour un contre-avis si nécessaire ». Des réservistes (parmi lesquels un ancien opérateur de la gendarmerie retraité depuis peu) sont également formés pour renforcer les effectifs et pallier les absences (pour congés ou maladie) des opérateurs « titulaires ».
La formation est indispensable « parce que l’opérateur n’est pas qu’un standardiste ! Il a aussi un rôle opérationnel. Et le métier de Corgiste ne s’improvise pas ! ».
Les véhicules de la gendarmerie ornaise, désormais pucés, sont géolocalisés à l’instant T sur le territoire. L’opérateur peut alors, via un écran interposé, les guider pas à pas jusqu’à l’adresse indiquée. Et ce, dans quelque situation que ce soit.
« On le fait notamment à l’automne, à l’occasion de la cueillette des champignons pendant laquelle des gens se perdent en forêt », poursuit le colonel Baillargeat qui insiste, à cette occasion, sur l’intérêt « de toujours sortir avec son téléphone portable et de ne jamais l’éteindre : c’est ce qui nous permet de géolocaliser la personne en difficulté ».
Et de guider les gendarmes jusqu’à elle… via les consignes du Corgiste.

Dimanche 13 mai à 22 h 48, un enfant de 5 ans composait le 17 pour sauver son papa inanimé. Depuis, les médias se succèdent au CORG d’Alençon pour relater « cette belle histoire à l’heureux dénouement ». Ici : Xavier Thoby, de TF1, en train de filmer le colonel Pierre Baillargeat dans les locaux sécurisés du centre d’appels de la gendarmerie de l’Orne. (©L’Orne-hebdo)
Source : Actu.fr

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