Affaire Troadec. Un an après le massacre de la famille, le mobile reste obscur

Hubert Caouissin escorté par la police. (Photo AFP)

Hubert Caouissin escorté par la police. (Photo AFP)

Un an après le massacre de la famille Troadec par Hubert Caouissin, à Orvault, en Loire-Atlantique, le mobile précis reste bien obscur…

Une affaire judiciaire « hors norme » bien loin d’avoir livré tous ses secrets : un an après le massacre de la famille Troadec dans son pavillon d’Orvault, dans la banlieue de Nantes, l’existence d’un « trésor » non partagé, invoqué comme mobile par l’assassin présumé, n’a toujours pas été prouvée.

Le 6 mars 2017, les aveux d’Hubert Caouissin, beau-frère du père de famille, levaient le voile sur la mystérieuse disparition un peu plus de deux semaines plus tôt des époux Troadec et de leurs deux enfants, et sur une enquête dont chaque rebondissement, de la Loire-Atlantique au Finistère, avait tenu la France en haleine. Placé en garde à vue la veille, cet homme sans antécédent judiciaire, ouvrier d’État à l’arsenal de Brest, avait reconnu avoir tué Pascal et Brigitte, 49 ans tous les deux, Sébastien, 21 ans, et Charlotte, 18 ans, les avoir démembrés et s’être employé à faire disparaître leurs corps : une partie des restes aurait été brûlée dans un four de sa propriété, à Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère), l’autre partie enterrée.

Un crime effroyable qui trouverait son origine dans une spoliation familiale de pièces d’or, qui l’obsédait. « J’ai eu des affaires médiatisées, des affaires vraiment sordides, mais c’est la première fois que personnellement j’ai été confronté à une affaire de cette nature », confie à l’AFP le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès.

L’enquête avait démarré le 23 février, après l’alerte donnée par l’une des soeurs de Brigitte Troadec, inquiète d’un silence inhabituel depuis près d’une semaine. Un téléphone souillé de sang est trouvé, la maison d’Orvault rapidement passée au crible. « Nous partons de rien. Une famille disparaît, personne n’a de nouvelles, et des traces de sang sont découvertes dans la maison, on se dit donc qu’il s’est passé quelque chose de relativement dramatique », retrace le procureur. « Les hypothèses sont multiples, d’où un travail d’enquête extrêmement complexe », qui a mobilisé 150 enquêteurs de la police judiciaire, souligne-t-il.

« Tsunami médiatique »

« Il fallait travailler vite, car dans une telle affaire, ce que l’on craint par-dessus tout, c’est de voir des semaines qui passent sans une évolution significative de l’enquête », poursuit Pierre Sennès, pointant une « autre difficulté », la gestion du « tsunami médiatique ». « Ça partait dans tous les sens », se souvient le procureur, qui « recadrera un peu les choses » en « fermant des pistes », lors d’une première conférence de presse, cinq jours après l’ouverture d’une information judiciaire.

Des livres de jeunesse du père et le pantalon de la fille viennent d’être retrouvés, distants de 500 mètres et à deux jours d’intervalle, dans une forêt près de Brest, région d’où est originaire la famille Troadec. Des découvertes « pas anodines », mais c’est le véhicule du fils, Sébastien, découvert à Saint-Nazaire, qui apportera des « éléments déterminants ». Du sang y est découvert, ainsi que des traces génétiques appartenant à Hubert Caouissin. Son ADN sera aussi trouvé sur un verre dans le pavillon d’Orvault.

Interrogé au début de l’enquête, il avait assuré ne plus avoir de contacts avec sa belle-famille, avec laquelle il était fâché depuis longtemps. Interpellé avec sa compagne Lydie, la soeur de Pascal Troadec, il passera aux aveux et sera mis en examen pour « assassinats » et « atteinte à l’intégrité du cadavre ».

En garde à vue, il explique s’être rendu le 16 février, à la nuit tombante, au domicile des Troadec, muni d’un stéthoscope avec l’intention de les « espionner » pour trouver des preuves de la spoliation. Réussissant à pénétrer dans la maison, il serait tombé nez-à-nez avec les époux Troadec, se serait emparé d’un pied-de-biche et aurait massacré les quatre membres de la famille. L’arme du crime, il affirme s’en être débarrassé en la jetant par-dessus un pont. Malgré des fouilles, elle n’a pas été retrouvée. Des restes humains -mais pas les crânes-, seront retrouvés dans la vaste et isolée propriété de Pont-de-Buis, permettant d’identifier les quatre victimes et de leur offrir une sépulture.

« Mystère réel »

Quid de ce « trésor », cet héritage de pièces d’or qu’Hubert Caouissin soupçonnait Pascal Troadec de s’être approprié pour ne pas le partager avec Lydie, à l’origine du conflit familial ? Les enquêteurs n’en ont jusque-là pas trouvé la trace, ni la preuve de l’existence réelle, selon des sources proches du dossier. Une question toujours sans réponse qui était au coeur du quatrième interrogatoire d’Hubert Caouissin, entendu mardi pendant six heures par les juges chargés de l’instruction. Pour l’un de ses avocats, Thierry Fillion, « que l’or existe ou pas, ce n’est pas essentiel. Il a une croyance très forte dans cette histoire de spoliation, ce qui a entraîné cette détérioration, à tort ou à raison, des relations familiales ».

« M. Caouissin gagnait sa vie, il n’avait pas dans l’idée de récupérer l’argent à son profit, pour lui il s’agissait de rétablir une forme de justice vis-à-vis de son épouse », ajoute Me Fillion. « Pour mes clients, il y a un vrai mystère sur le mobile réel d’Hubert Caouissin et de Lydie Troadec », pointe Cécile de Oliveira, avocate de la mère, des deux soeurs, des beaux-frères et des neveux de Brigitte Troadec. Le trésor, « je n’y ai jamais cru, je suis persuadée que cet or est ce qu’Hubert Caouissin pense être un alibi », affirme-t-elle. Le procès ne devrait pas se tenir avant l’automne 2019.

Source : Le Télégramme

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *