ADN, balistique et cybercrime: un QG pour les « experts » de la gendarmerie

Un membre de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale travaille sur de l’ADN le 30 mars 2015 à Pontoise, dans le Val-d’Oise – POOL/AFP/Archives CHRISTOPHE ENA

 

Un scanner pour les autopsies, une collection de 8.000 armes, des « data-gendarmes » qui prédisent l’évolution de la délinquance : la gendarmerie regroupe ses centaines « d’experts » dans un pôle judiciaire flambant neuf dans le Val-d’Oise.

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve doit inaugurer jeudi après-midi à Pontoise ce bâtiment qui a coûté 68 millions d’euros.

De l’enlèvement d’enfant par un criminel qu’il faut identifier le plus vite possible par son ADN au simple délit de fuite, petites et grandes enquêtes confiées dans toute la France à la gendarmerie nationale remontent, pour des expertises techniques, jusqu’à ces locaux hautement sécurisés. La technologie la plus pointue y côtoie des méthodes plus artisanales, mais qui ont fait leur preuves.

Au laboratoire de génétique, sous atmosphère régulée, des opérateurs en blouse blanche, charlotte sur la tête et masque devant la bouche, peuvent traiter plus de 10.000 empreintes génétiques par mois.

Il peut s’agir de prélèvements de salive d’un suspect, ou d’objets ayant appartenu à une victime. C’est ici que l’on a identifié les restes de chacune des 150 victimes du crash de la Germanwings. On espère, dans quelques années, avec les progrès scientifiques, pouvoir dresser des portraits-robots grâce à l’ADN de suspects.

Plus loin, un hangar aux airs de garage avec ses deux ponts élévateurs. En tenue de mécano, des gendarmes scrutent carrosseries et électronique embarquée pour déterminer si un véhicule a été maquillé par des voleurs de voiture. Ici aussi, on pense à l’avenir, et les gendarmes décortiquent déjà les « voitures connectées », dans l’espoir de comprendre comment ces véhicules, qui interagissent avec les téléphones portables, pourraient être bientôt la cible de pirates.

Autre fierté des militaires: dans l’armurerie est stockée la plus importante collection d’armes de France, 8.000 pistolets, fusils et autres semi-automatiques. « Cette bibliothèque vivante de référence » permet par exemple de déterminer si les armes utilisées sur une scène de crime ont subi « des modifications, ou si elles sont d’origine », explique Mikael Petit, à la tête du département de balistique.

Soigneusement rangées sur d’impressionnantes étagères coulissantes, elles racontent des décennies de délinquance: des armes rudimentaires larguées par les airs aux résistants de la Seconde Guerre mondiale aux dizaines de dérivés de kalachnikov, russes, chinois ou roumains, qui sont l’apanage des délinquants d’aujourd’hui.

« Objectif et scientifique »

Le site de Pontoise abrite aussi les spécialistes de la lutte contre la criminalité numérique et ceux du renseignement criminel, deux priorités de la gendarmerie.

Il s’agit « d’exploiter toutes les informations utiles à la lutte contre la délinquance, en prévention ou en répression » en « scrutant les signaux faibles », les nouvelles tendances de la criminalité, explique le général Jacques Hebrard, à la tête de ce pôle judiciaire.

La gendarmerie place de vifs espoirs dans une nouvelle unité, chargée de « l’analyse prédictive ». A l’instar des géants de l’internet qui scrutent nos données, ces matheux au service de la gendarmerie exploitent plus de 250 variables chiffrées, de l’urbanisation à la pauvreté en passant par les statistiques de la délinquance.

L’objectif est rien moins qu' »éviter que des faits ne se commettent », en prédisant l’évolution des délits dans un territoire, explique le lieutenant-colonel Patrick Perrot, chef de cette division analyse et investigation criminelle.

Cartes et graphiques à l’appui, ce gradé peut aider les groupements de gendarmerie à deviner quels seront les « points chauds » dans leur département, l’année suivante, et adapter ainsi leurs effectifs. Les gendarmes veulent aussi prouver que « la réponse à la délinquance n’est pas uniquement policière », et pourront conseiller aux maires par exemple d’agir sur certaines variables pour améliorer la sécurité, assure-t-il.

Selon lui, la méthode peut même être appliquée à un groupe criminel, pour prédire son évolution, voire pour analyser les actes d’un tueur en série. Un procédé « objectif et scientifique », sous le contrôle d’un juge, qui n’a « rien à voir avec Minority Report », film de Steven Spielberg où des criminels sont arrêtés avant même de passer à l’acte, tient à rassurer le gendarme.

Source : La Nouvelle République

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